Quand les médias scénarisent et dérapent
Depuis plusieurs décennies, les médias se tiennent à un type de configuration scénique censé illustrer à merveille ce qu’on appelle « la crise des banlieues ». Une image noyée sous les stéréotypes et la quête du sensationnalisme. Les médias ont-ils attisé le feu de la révolte ? Explications…
Par Charline FORNARI
Les médias ont qualifié de différentes manières les évènements de 2005. D’abord des « incidents », ils deviennent des « troubles », des « mouvements de rue » puis des « violences urbaines » et enfin des « émeutes ». « Chacun des termes employés renvoie à une prise de position du journaliste et donne au lecteur une vision différente des faits », nous explique Béatrice Turpin, maître de conférences en Sciences du Langage à l’Université de Cergy-Pontoise.
De la même manière, en qualifiant les acteurs de la révolte de « jeunes », « jeunes des quartiers » ou « jeunes des cités », les médias, si tant est qu’on puisse tous les associer, tendent à déconsidérer le mouvement. Question. Les médias auraient-ils plus employé le terme « révolte » que le terme « émeute » s’il s’était agi d’un autre type de population ?
La durée des violences urbaines, leur extension à toute la France et les dégâts matériels occasionnés en ont fait un évènement exceptionnel. Sa couverture médiatique prend donc rapidement une ampleur considérable. En France, les évènements ont marqué l’actualité quotidiennement pendant plus de trois semaines. Au-delà des mots, l’angle de chaque reportage, c’est-à-dire le point de vue retenu dans le traitement d’un sujet, a aussi forgé une image stéréotypée des banlieues et de ses habitants. La pauvreté et le chômage, la stigmatisation et le racisme, l’exclusion et les problèmes d’intégration sont tout de même cités mais n’auront pas la même place dans la hiérarchie éditoriale des médias et en particulier des journaux télévisés.