Ma vie dans la cité aujourd’hui

Cela fait 10 ans que Bouna Traoré et Zyed Benna, les « petits » de la tour Rabelais et de la «Pama», au cœur du quartier du chêne-Pointu, sont morts dans un transformateur électrique, mais leur «village», Clichy-sous-Bois, n’est plus tout à fait le même.

Par Hélène JAFFIOL 

A l’angle de la rue Ladrette, une camionnette blanche s’arrête brusquement ; la porte coulissante s’entrouvre ; un caméraman harnaché sur son siège, comme s’il se trouvait en zone de guerre, prend des images à la volée. Puis la camionnette repart aussitôt. Ses plaques semblent indiquer qu’elle vient de Pologne. Une équipe de télévision, sans doute, venue prendre le pouls, à quelques semaines du 10e anniversaire des émeutes urbaines, là où tout a commencé.

Kevin-au-centre-devant-sa-boutique-dans-le-centre-commercialKévin, 31 ans, lui, s’est rangé. Aujourd’hui cogérant d’une boutique de vêtements urbains dans le centre-commercial du Chêne-Pointu, il a participé aux émeutes de 2005 : « On était jeunes, on voulait tous leur peau [aux policiers]. Ils avaient tué nos petits. » Dix ans, après, le souvenir de Zyed et Bouna, enfants du Chêne, est toujours aussi vivace et douloureux ; la relaxe définitive, en mai dernier, des deux policiers qui les avaient poursuivis jusqu’au transformateur électrique, a remué le couteau dans la plaie.

Le Chêne-Pointu, c’est aussi le drame des bâtiments en ruine. On promet que la cité délabrée, telle qu’elle existe aujourd’hui, vit ses dernières années. L’Etat, via des organismes publics, rachète les appartements du Chêne Pointu petit à petit. Objectif : prendre la main sur la totalité des tours, afin de les réhabiliter ou les démolir. La démarche est inédite et volontariste, mais elle est parfois durement ressentie par les petits propriétaires ruinés.

Dans le Nouveau Clichy, on ne veut pas voir se répéter les mêmes erreurs que l’ancien. Du Chêne-Pointu à Romain Rolland, le changement d’atmosphère est frappant : peu d’habitants stationnent en chemin ; les mères s’engouffrent rapidement avec leurs poussettes dans les jardins privatifs fermés par digicode. De l’extérieur, on a l’impression qu’ils sont presque devenus invisibles. Ce changement radical – pierre angulaire de la rénovation urbaine – on l’attend mais on le redoute aussi.

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*Dans le communiqué du 18 mai 2015, SOS Racisme a protesté contre la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Rennes en faveur des policiers renvoyés devant la justice suite à la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois le 27 octobre 2005, qui laisse un immense sentiment de gâchis.

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