Née le 15 avril 1889 : Marthe Richard une femme aux multiples facettes

Marthe Richard, née le 15 avril 1889 à Blâmont (Meurthe-et-Moselle) et morte le 9 février 1982 à Paris, est une prostituée, aviatrice, espionne et femme politique française.
La loi de fermeture des maisons closes en France en 1946 porte communément son nom.

 

De l’enfance à la prostitution

Issue d’une famille modeste (son père Louis Betenfeld, violent et alcoolique, est ouvrier brasseur et sa mère Marie Lartisant domestique). Marthe Betenfeld a un frère et une sœur aînés, Camille et Jeanne. Elle est envoyée quelques années dans une institution catholique et son destin semble tout tracé : couturière, comme sa sœur aînée. Puis elle devient à Nancy apprentie culottière, à quatorze ans. 

Le métier ne l’enchantant guère, elle fugue de chez ses parents. Interpellée par la police des mœurs pour racolage, en mai 1905, elle est ramenée dans sa famille. Mais elle fugue de nouveau à 16 ans ou elle se retrouve à Nancy. Dans cette ville de garnison militaire, elle tombe amoureuse d’un italien se disant sculpteur mais qui se révèle être un proxénète. 

Il l’envoie sur le trottoir, puis elle devient prostituée dans les bordels à soldats de Nancy. Devant effectuer plus de 50 passes par jour, elle tombe rapidement malade et contracte la syphilis. Renvoyée du bordel, dénoncée par un soldat pour lui avoir transmis la syphilis et fichée par la police (où elle est inscrite comme prostituée mineure le 21 août 1905), elle est contrainte de s’enfuir à Paris.

Elle rentre dans un « établissement de bains » rue Godot-de-Mauroy (maison close d’un standing supérieur). Et c’est là qu’un soir de septembre 1907, elle rencontre un riche client, l’industriel Henri Richer, mandataire aux Halles. Il a le coup de foudre et l’épouse le 13 avril 1915. Bien vite Marthe fait table rase de son passé et devient respectable bourgeoise de la belle époque dans son hôtel particulier de l’Odéon. Elle demande alors à être rayée du fichier national de la prostitution, ce qui lui est refusé.

 

L’aviatrice

Dans cette période, où l’aviation en plein essor passionne les foules lors des innombrables meetings, Marthe et Henri découvrent le plaisir de voler et s’inscrivent, tous deux, à l’école de pilotage de Villacoublay à partir de janvier 1913. Henri renonce vite, alors que Marthe obtient son brevet de pilote sous le n° 1369, le 7 juin 1913, devenant la sixième Française à obtenir ce diplôme. Toujours grâce à la bienfaisante fortune de son amant, celui-ci lui achète un avion qui devient alors sa passion.

Par la suite, elle participe à des meetings aériens dont celui de Nantes, de Château-Gontier et de Pornic. La presse, qui la trouve frêle et volontaire, la surnomme l’Alouette. Mais elle se blesse grièvement le 31 août 1913 à La Roche-Bernard en atterrissant sur un terrain non approprié. Elle passe trois semaines dans le coma et en gardera des séquelles à vie.

Elle reprend son entraînement le 5 février 1914 sur son tout nouveau Caudron G.3 pour participer au meeting de Zurich. 

Elle donne à penser à la presse de l’époque qu’elle a battu le record féminin de distance en volant depuis Le Crotoy, en baie de Somme, jusqu’à Zurich. En fait, elle se fait accompagner par un aviateur dénommé « Poulet » et, à la suite de pannes, ils atterrissent dans une prairie d’où, démontant leur avion, ils le convoient par train jusqu’à la campagne zurichoise d’où elle redécolle et s’écrase au sol.

A la déclaration de guerre, Marthe veut s’engager dans l’aviation, comme les autres femmes de la Ligue de l’Union patriotique des aviatrices, mais aucune n’y parvient. 

Le 25 mai 1916 elle se retrouve veuve de guerre, Henri Richer, soldat du train, étant fauché par une salve d’artillerie à Massiges. 

 

L’espionne

Durant la Première Guerre mondiale, elle sera agent double pour la France et l’Allemagne. Elle devient espionne sous les ordres du capitaine Georges Ladoux, chef du contre-espionnage français, grâce à son amant Jean Violan. 

Elle se verra confier plusieurs missions en 1916 et 1917. Elle fréquente notamment l’attaché naval de l’ambassade allemande à Madrid, Hans Von Krohn, elle devient sa maîtresse, et par là même occasion une agent double. En mission à Madrid, elle rencontre à cette période l’espionne néerlandaise Mata Hari. 

Mais sa carrière d’agent sera révélée par la presse, elle doit rentrer en France où elle découvre que son nom est rayé du service et le capitaine Ladoux arrêté : il est accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne à l’instar de son agent Mata Hari.

En avril 1926, fréquentant les immigrés anglais vivant à Paris, elle épouse le Britannique Thomas Crompton, directeur financier de la fondation Rockefeller, mécène de la restauration du Petit Trianon, qui meurt subitement en 1928. Thomas Crompton a pris des dispositions testamentaires pour qu’elle reçoive de la part de la fondation Rockefeller une rente mensuelle de 2 000 francs. Elle mène alors un grand train de vie à Bougival et passe ses soirées dans les boîtes à la mode, ce qui lui vaut le surnom de « veuve joyeuse ». 

En 1935, elle publie un best-seller intitulé « Ma vie d’espionne au service de la France ».

Elle devient brusquement une héroïne en racontant comment elle a pu faire arrêter plusieurs agents allemands, comment elle a remis à Ladoux le procédé des encres secrètes de l’ennemi ou les déplacements des sous-marins UB 52. Dès lors, elle donne dans toute la France des conférences et vols de démonstration à bord du Potez 43 prêté par le ministère de l’Air. Après cinq années à courir les cabinets ministériels, sous la pression médiatique, son amant Édouard Herriot, chef du gouvernement de l’époque, obtient le 17 janvier 1933 la Légion d’honneur pour Mme veuve Crompton dans la catégorie Affaires étrangères, avec la mention « Services signalés rendus aux intérêts français ».

 

La fermeture des maisons closes

Les années passent et en 1945, la « veuve joyeuse » se lance en politique et est élue conseillère municipale du 4ème arrondissement de Paris.

Le 13 décembre 1945, elle dépose devant le conseil municipal de Paris un projet de loi visant à fermer les maisons closes. La loi est votée le 20 décembre 1945 et quelques mois plus tard, 1400 établissements nationaux ferment.

Mais en 1973, dans un reportage de l’ORTF, Marthe Richard clame son intention de revenir sur cette loi, la jugeant dépassée et militant pour le retour des maisons closes : « Je lutte d’abord pour la question sanitaire. […] Puisqu’on ne peut pas empêcher la prostitution, je préconise que des maisons soient construites dans un grand parc. »

Marthe Richard continue par la suite à donner des conférences sur son passé d’espionne. Elle meurt le 9 février 1982 à Paris à son domicile.