Face au RN, sortir des ambiguïtés

Dans quelques heures, la campagne pour le second tour des élections législatives prendra fin. Ce dimanche à 20 heures, nous connaitrons la composition de l’Assemblée nationale pour les 5 ans à venir.
Bien que le pire ne soit jamais sûr, il semble fort probable que l’extrême-droite – via le RN – y soit représentée par un nombre record de députés. Pour la première fois depuis 1986 et pour la seconde fois depuis 1956, le lieu où se vote la loi – à défaut d’y être fabriquée – sera investi d’hommes et de femmes dont le but est d’abattre la République et de remettre en cause le principe d’égalité au fondement de notre ordre juridique.
Ce dimanche, afin de conjurer autant que possible cette perspective, la clarté doit être de mise face aux candidats RN. Bien que cela entraîne des ricanements de plus en plus bruyants ces dernières années, il faut réaffirmer la nécessité de faire barrage au RN, quel que soit le bulletin de vote de nature à réaliser ce barrage.
A cet égard, on ne peut que regretter les ambiguïtés et la cacophonie qui se sont saisies, ces derniers temps, d’un nombre important de familles politiques.
La droite LR a, conséquence du sarkozysme naguère triomphant, progressivement abdiqué toute ambition de clarté vis-à-vis de l’extrême-droite, au point où l’un de ses ténors – Eric Ciotti – ne faisait pas mystère de son tropisme zemmourien pendant la précédente campagne présidentielle.
La NUPES et Ensemble se sont de leur côté révélés incapables de produire une consigne claire et ferme en cas de duels entre l’un de leurs adversaires et un candidat RN.
Du fait des équilibres internes qui la caractérisent, la NUPES a massivement choisi la consigne qui est celle de Jean-Luc Mélenchon depuis 2017 : « Pas une voix pour l’extrême-droite ». Si elle a le mérite de dire clairement le refus de l’extrême-droite, cette consigne laisse ouverte la possibilté d’un vote blanc ou nul, c’est-à-dire, très concrètement, le refus de peser sur l’issue d’un scrutin dans lequel l’extrême-droite est en lice pour la victoire. Cette ligne est une faute car, face à l’extrême-droite, il n’y a pas à tergiverser puisque cette famille politique fondée sur le racisme et le refus de la République est d’une nature différente de toute autre famille politique.
Quant à Ensemble, c’est la cacophonie qui prime alors même qu’Emmanuel Macron, qui s’est abstenu de mettre fin à cette cacophonie, a bénéficié d’un front républicain lors du second tour de l’élection présidentielle. Sans aucune autre logique que celle de l’humeur de leurs candidats défaits lors du premier tour, la coalition Ensemble émet des consignes qui manifestent un évident manque de clarté face à l’extrême-droite. Malgré les déclarations d’Elisabeth Borne, d’Eric Dupont-Moretti et de quelques autres – mais que l’on peine à imaginer comme les chefs effectifs de cette coalition -, nombre de duels NUPES-RN sont l’occasion de prises de parole renvoyant dos-à-dos ces deux familles politiques. Après avoir couru derrière la gauche, y compris mélenchoniste, dans l’entre deux tours de l’élection présidentielle, le personnel politique d’Ensemble, sans que cela ne soit régulé par le président de la République, se comporte avec un époustouflant cynisme, derrière le grossier parallélisme entre l’ « extrême-droite » et l’ « extrême-gauche ». Un parallélisme en réalité doublement grossier : la NUPES n’est pas l’extrême-gauche et l’extrême-gauche n’est pas l’extrême-droite.
Quoi qu’il en soit et malgré les griefs, les critiques et les anathèmes croisés entre les différentes familles politiques aujourd’hui en compétition, SOS Racisme réitère son appel à faire barrage à tout candidat de l’extrême-droite lors de ce second tour de l’élection présidentielle. Pour cela, une seule solution : se saisir du bulletin de vote disponible pour le faire, que ce bulletin soit celui d’un(e) candidat(e) Ensemble, d’un(e) candidat(e) LR ou d’un(e) candidat(e) NUPES.
Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, « le refus de l’extrême-droite n’est pas une coquetterie ou une arme stratégique à utiliser selon l’intérêt électoral que l’on pense pouvoir en retirer. Ce refus est une exigence pour toutes celles et tous ceux qui ne veulent pas que le camp du crime et de la haine de la démocratie se trouve renforcé. Laisser prospérer l’extrême-droite par conviction ou en la voyant comme l’instrument de l’élimination d’un candidat du camp adverse, c’est accepter que l’extrême-droite, demain, ait les coudées encore plus franches pour attaquer la démocratie mais également perpétrer des crimes, des projets d’attentats et d’autres exactions dont il est peut-être utile de rappeler qu’ils se sont multipliés ces derniers mois. »