4 janvier : début du carnaval des Noirs et des Blancs à San Juan de Pasto en Colombie

L’originalité, la beauté et la fréquentation de ce carnaval ont amené l’UNESCO à l’inscrire sur sa liste du patrimoine immatériel de l’Humanité.

 

C’est dans le sud-ouest de la Colombie, à San Juan de Pasto, que se tient annuellement l’un des carnavals les plus importants du pays. Dénommée le Carnaval des Noirs et des Blancs, cette fête représente une fusion entre les différentes influences culturelles propres aux pays d’Amérique du Sud : traditions espagnoles, africaines et amérindiennes.

Le Pré-carnaval : entre traditions païennes, culturelles et religieuses

Le Carnaval est précédé de plusieurs jours de festivités qui constituent le Pré-carnaval. Le 28 décembre, c’est la «bataille d’eau des Innocents», journée dont le seul but est, en signe de purification, de se mouiller ! Le 29 décembre, dans la Calle de los Colorados, une des artères historiques de la ville, les habitants sont appelés à dessiner sur le bitume de cette rue. C’est «l’arc-en-ciel sur l’asphalte». Le 30 décembre, c’est la «Journée des sérénades» à l’occasion de laquelle des trios à cordes rivalisent. Le 31 décembre, en incarnation de la tradition andine de l’An vieux, on brûle le pantin de l’An vieux, qui représente l’année sur le point de s’achever. Remarquons que, pour des raisons notamment de sécurité, cette tradition a tendance à être remplacée par des feux d’artifices lors de la nuit des lumières. Le 2 janvier, la patronne de la ville, Notre-Dame de Las Mercedes est célébrée à travers des offrandes de plats typiques et de fleurs en échange de sa bénédiction du carnaval. Ce même jour, se déroule également le «défilé des colonies», où s’expriment chacune des cultures des habitants originaires des autres endroits de la Colombie.

Le Carnavalito : le temps des enfants

Le 3 janvier, en préambule au Carnaval à proprement parler, se déroule le Carnavalito (petit carnaval), réservé aux enfants de moins de 14 ans. A cette occasion, des milliers d’enfants venant de toutes les villes de la région font la démonstration de leur créativité et célèbrent les traditions culturelles de Santos et de ses environs. Le Carnavalito reprend l’essentiel des codes du Carnaval à proprement parler : parades de chars, défilés de déguisements, défilés de groupes musicaux, défilés de groupes de danses.

Le Carnaval des Noirs et des Blancs

Carnaval+pastoLe 4 janvier, le Carnaval s’ouvre par le défilé de la «famille Castaneda», une famille que des habitants de San Juan de Pasto auraient invitée au carnaval en 1928, selon le mythe fondateur de cette journée. Cette journée constitue la bienvenue aux participants au carnaval et retrace, en plusieurs scènes, la vie d’antan (celle de 1928 !) et un mot d’ordre «la tristesse est interdite».

Le 5 janvier, «jour des noirs», les personnes se barbouillent le visage de noir, ainsi que toutes les parties du corps qui ne sont pas couvertes. Cette journée serait le lointain souvenir d’un jour de congé accordé par le roi d’Espagne aux esclaves de la région afin d’apaiser une révolte des esclaves en 1607. Cette journée de congé aurait depuis donné lieu à des fêtes de la part des esclaves (donc des noirs !).

Le 6 janvier, c’est cette fois-ci le «jour des blancs». Cette journée remonterait à 1912 lorsqu’un tailleur de la ville aurait lancé du talc au cri de « Vive les Blancs » sur des dames dans un salon de coiffure. Cet acte aurait déclenché une mémorable et joyeuse bataille généralisée de talc. Lors de cette journée, les personnes se barbouillent de poudre blanche, de maquillage blanc, de talc … Cette journée est le jour le plus délirant du Carnaval des Noirs et des Blancs : grand défilé de chars, fanfares, déguisements individuels et chorégraphie de groupe se déploient dans la ville. Cette cérémonie imposante et joyeuse se termine dans un impressionnant nuage de farine blanche !

 Un carnaval antiraciste ?

Dans un pays qui reste marqué par d’importantes inégalités sociales et ethniques, ce carnaval des Noirs et des Blancs célèbre un syncrétisme social et culturel exceptionnel. Lors des jours de festivité, les classes sociales et les races disparaissent en quelque sorte sous les déguisements et les maquillages, tandis que toutes les traditions culturelles sont mises à l’honneur. On remarquera d’ailleurs sur ce dernier point un renforcement ces dernières années des traditions andines, comme l’atteste, en marge du Carnavalito, la résurgence du «Canto a la Tierra». A cette occasion, c’est la Terre en tant que mère nourricière qui est célébrée.