Campagne nationale d’interpellation – Les 10 propositions de SOS Racisme

Les élections régionales et départementales se déroulent les 20 et 27 juin 2021. A cette occasion, SOS Racisme entend se mobiliser afin de décliner des propositions à l’adresse des différentes listes et candidats à ces élections (en dehors, naturellement, des listes et candidats d’extrême-droite).

Cette ambition d’interpeller les candidats à partir de propositions s’appuie sur deux constats :

  • Alors que la question des discriminations ethno-raciales est peu traitée ces dernières années, il est urgent de la remettre au centre des débats. C’est urgent parce que la promesse républicaine, c’est de construire l’égalité entre les citoyens. L’effacement de la dimension ethno-raciale des discriminations constitue un obstacle majeur à la réalisation de cette promesse. Et c’est urgent parce que il faut être à l’offensive et ne pas se laisser tétaniser par la montée en puissance des thèmes de l’extrême-droite et de l’agressivité de l’électorat d’extrême-droite.
  • Les collectivités territoriales ont de larges prérogatives en matière de politique publique. Lutter contre les discriminations ethno-raciales (ainsi que contre le racisme et pour le vivre ensemble) passe donc également par le déploiement de politiques publiques locales.

SOS Racisme formule ainsi 10 propositions que vous trouverez plus bas. Elles demandent parfois à être adaptées territoire par territoire mais sont suffisamment précises pour que les candidats se prononcent clairement sur nos enjeux. Il s’agit en effet d’éviter que la dimension ethno-raciale des discriminations soit noyée dans la vaste catégorie des “discriminations” et que les enjeux du vivre ensemble soient traités dans des formulations vides de sens et de portée.

  1. Former l’ensemble des agents des départements et des régions à la non-discrimination.
    Les départements et les régions doivent former leurs agents à la non-discrimination. Il s’agit d’aller au-delà du simple rappel – nécessaire – du cadre juridique. En effet, afin que ces formations soient pleinement efficaces, il faut y inclure la déconstruction des préjugés et des stéréotypes, notamment ethno-raciaux.

    Explication : Les collectivités territoriales sont des employeurs (la fonction publique territoriale, qui va certes au-delà des seuls départements et régions, emploie environ 1,5 million de fonctionnaires). A ce titre, les personnels qui, au sein des départements et des régions, sont en situation de recrutement, d’encadrement et de management doivent être sensibilisés à la question des discriminations afin que les recrutements, les évolutions de carrière, les affectations de sites et de tâches ainsi que les ambiances sur le lieu de travail ne soient pas discriminatoires. Cette formation doit également concerner les personnels qui n’ont pas la qualité de fonctionnaires.
    Les régions et les départements représentent la puissance publique. A ce titre, leurs personnels doivent avoir une attitude particulièrement exemplaire à l’endroit du public. Les personnes doivent être correctement reçues et toutes doivent l’être à égale dignité. Sans quoi, au-delà du fait que des attitudes déplaisantes et discriminatoires dégradent l’image des collectivités concernées, le risque est grand que cela entraîne des non-recours aux droits ou à des services pourtant formellement ouverts à toutes et tous. En effet, comment aller vers une collectivité territoriale si l’on craint d’y être mal reçu?


  2. Pour les départements, généraliser la formation des travailleurs sociaux à la lutte contre les discriminations, notamment ethno-raciales.

    Explication : Qu’ils soient éducateurs, assistants familiaux, assistants de service social ou assistant en économie sociale et familiale, les travailleurs sociaux accompagnent des publics précaires potentiellement soumis à des discriminations, que ce soit de la part de services privés ou de services publics. Ces professionnels ont un rôle essentiel pour que leurs publics puissent se défendre en cas de discrimination. Ils ont également un rôle essentiel pour faire remonter les éventuelles dérives qu’ils constateraient chez des acteurs publics ou privés à l’endroit de leurs publics.


  3. Favoriser, dans les appels d’offre émis par les régions et les départements, les entreprises qui mènent en leur sein des politiques de lutte contre les discriminations.

    Explication : Cette ambition pourrait consister à modifier la grille de notation des réponses aux appels d’offre émis par les régions et les départements. Il suffirait d’introduire dans cette grille de notation des critères qui prennent en compte la qualité des politiques de lutte contre les discriminations, notamment ethno-raciales, mises en oeuvre par les opérateurs économiques qui candidatent.
    Tout comme l’Etat, les collectivités territoriales passent de nombreux marchés publics (en matière de construction, d’achats de fournitures, de délégations de services publics…). Les départements et les régions disposent donc d’un levier essentiel pour pousser une entreprise qui voudrait décrocher des marchés publics locaux à remplir les critères à partir desquels ces derniers sont attribués à telle ou telle entreprise.
    Ces dispositifs existent déjà sur d’autres critères, par exemple les clauses environnementales que les collectivités territoriales peuvent ajouter dans les marchés publics (prise en compte de l’impact carbone, durabilité…). Nous demandons à ce que de telles clauses soient adoptées en matière de lutte contre les discriminations.


  4. Financer des testings pour évaluer les discriminations ethno-raciales à l’emploi, au logement, aux loisirs et à la formation.

    Explication : La connaissance des discriminations raciales est un enjeu important pour sensibiliser les citoyens et les agents collectifs à leur existence, passage obligé pour que chacun soit convaincu qu’il s’agit d’un phénomène à combattre. Les départements et les régions, en réalisant directement des testings ou en finançant des testings réalisés par des associations, contribueraient à rendre visible ce phénomène et donc à pousser les citoyens et les acteurs collectifs à s’en préoccuper. En outre, les collectivités elles-mêmes ont besoin d’une connaissance de ces phénomènes pour définir des axes visant à les combattre. Bien évidemment, le financement de testings ne peut être pris comme une finalité en soi mais bien comme un outil de mobilisation en vue de la mise en place de politiques publiques ambitieuses.


  5. Mettre en place une “banque de stages” pour les élèves des établissements d’éducation prioritaire afin qu’ils puissent bénéficier de stages et d’alternances de qualité.

    Explication : Dès le collège (classe de 3ème), les élèves sont soumis à des obligations de stages. Or, selon les territoires où ils vivent, leur milieu social ou la mobilisation de leur établissement, les élèves n’ont pas accès à des stages de même qualité. Cela n’est pas sans conséquence. En effet, c’est aussi à travers les stages que l’on forme son niveau d’ambitions et que l’on commence à se constituer un réseau dans le monde du travail qui s’avère précieux lorsqu’il faut s’insérer, à la fin de ses études, dans le monde professionnel. Les départements ont une compétence sur les collèges et les régions en ont une sur les lycées. Dans la mesure où départements et régions sont en lien avec de nombreux acteurs économiques et institutionnels susceptibles de prendre des jeunes en stage, nous proposons que ces deux collectivités impulsent la mise en place de “banques de stages”. Ces banques permettraient aux élèves des établissements d’éducation prioritaire d’accéder à des stages de qualité, problématique qui se pose en 3ème ainsi que dans les lycées professionnels et technologiques. Bien évidemment, les phénomènes d’autocensure nécessitent que, en lien avec les établissements, un travail d’accompagnement soit réalisé.


  6. Agir contre les discriminations dans le domaine de la formation professionnelle

    – Intégrer dans les appels d’offre en direction des prestataires de la formation professionnelle une exigence de sensibilisation des stagiaires en formation à la réalité des discriminations
    – Privilégier les prestataires ayant une politique active pour prévenir les discriminations dans l’accès à leurs formations ainsi que dans le déroulé de ces dernières
    – Etudier la réalité des discriminations dans l’accès à la formation professionnelle et définir une stratégie visant à les réduire

    Explication : A travers des appels d’offre, les régions financent des prestataires pour former des professionnels dans des secteurs économiques porteurs d’emploi. Il est important que les régions s’assurent que les formations soient accessibles à toutes et tous sans discriminations (ce qui passe par une étude sur la circulation de l’information relative aux possibilités de formation professionnelle). En outre, les personnes en formation professionnelle peuvent être victimes de discriminations dans leur parcours professionnel. La formation pourrait intégrer dans son déroulé des modules préparant les personnes à la réalité des discriminations (que dit le droit ? que faire face à une telle situation ?).


  7. Pour les élèves relevant de l’éducation prioritaire, financer un séjour culturel ou linguistique de longue durée pour tout collégien ainsi qu’un séjour équivalent pour tout lycéen

    Explication : De nombreux politiques se «plaignent“ que les jeunes des quartiers populaires soient trop communautaristes, renfermés, etc. Si leur inquiétude est réelle et, plus généralement, si on a le souci que les jeunes aient une grande ouverture d’esprit, de la curiosité, des horizons qui s’élargissent, il faut s’en donner les moyens. Au regard de leurs compétences, les départements pourraient financer un séjour linguistique et culturel de longue durée (une semaine minimum) pour tout collégien et les régions faire de même au niveau des lycées en finançant un séjour linguistique et culturel de longue durée pour tout lycéen.
    Pour les établissements en éducation prioritaire : le financement couvre la totalité des coûts du séjour.
    Pour les établissements hors-éducation prioritaire : le financement est conditionné à un jumelage avec un établissement en éducation prioritaire afin de favoriser, même ponctuellement, une mixité sociale – voire ethnique et religieuse – trop souvent mise en défaut dans les établissements du secondaire.


  8. Afin de lutter contre la ghettoïsation de certains collèges et lycées, favoriser la mixité sociale, ethnique et religieuse au sein des établissements scolaires en agissant sur la nature des établissements, les lieux de construction et les mécanismes d’affectation des élèves

    Explication : L’enseignement en lycée est organisé en 3 filières – générale, technologique et professionnelle – qui ne sont pas fréquentées par les mêmes publics. Afin de rapprocher des publics différents, il serait préférable de construire des lycées polyvalents (c’est-à-dire regroupant 2 ou 3 filières) plutôt que des lycées “mono-filières”. Il peut également être envisagé de remplacer des collèges ghettoïsés en construisant de nouveaux collèges en des lieux qui favorisent la mixité sociale des publics.
    Il faut également poursuivre les révisions et modifications des mécanismes d’affectation des élèves dans les collèges et les lycées afin d’y favoriser la mixité sociale.
    Ces différentes mesures relèvent de compétences de différents acteurs. Mais le poids des régions et des départements dans l’enseignement secondaire donne à ces collectivités une capacité à impulser les logiques décrites ci-dessus.


  9. Financer des transports publics en privilégiant la construction ou la mise en place de lignes qui permettent de désenclaver les territoires isolés que peuvent être les quartiers prioritaires ou les territoires ruraux

    Explication : Les régions et les départements ont des compétences en matière de transports. Le désenclavement évoqué dans notre proposition constitue un enjeu, notamment pour la jeunesse, en termes d’accès à la formation et à l’emploi, aux services publics, à la culture, aux droits… Il constitue également un enjeu en matière de développement de tous les territoires. Il constitue enfin un enjeu en termes de rencontres et de vivre ensemble.


  10. Nommer, dans chaque exécutif régional et départemental, un élu ou une élue à la tête d’une vice-présidence à la lutte contre les discriminations dotée de personnels et d’une enveloppe budgétaire conséquente

    Cet élu et ces personnels :

    – En interne : déploient la politique de lutte contre les discriminations en matière de recrutement et de gestion du personnel et participent plus généralement à la mise en œuvre effective de tous les aspects de la politique de lutte contre les discriminations définie par leur collectivité
    – Sur le territoire : contribuent au financement des associations de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations (fonctionnement, projets, interventions dans les établissements scolaires, etc.), organisent des rencontres et évènements, initient et mettent en œuvre des campagnes de sensibilisation, etc.

    Explication : La définition d’une politique ambitieuse en matière de lutte contre les discriminations demande que des énergies humaines et des moyens financiers y soient spécifiquement consacrés.