30 janvier 1972 : Bloody Sunday

Le dimanche 30 Janvier 1972 est le théâtre de l'une des répressions les plus sanglantes du conflit politique et religieux qui oppose unionistes et indépendantistes, protestants et catholiques en Irlande : le Bloody Sunday.

 

L’Irlande au 20ème siècle : un pays déchiré par la lutte pour l’indépendance.

C’est au début du 19ème siècle que l’Irlande intègre le Royaume-Uni (Angleterre, Écosse et Pays de Galle). L’Irlande est alors un pays catholique dominé par des colons protestants. En 1912 débute un conflit entre les indépendantistes républicains (majoritairement catholiques) et les unionistes loyalistes (majoritairement protestants) qui s’apaise avec la signature du Government Irland Act en 1922.

Ce traité sépare l’Irlande en deux : au Sud, la République d’Irlande gagne son indépendance tandis que l’Irlande du Nord reste sous influence britannique. Dans ce contexte, l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise), organisation paramilitaire, voit le jour et commence à organiser des attentats violents contre les britanniques pour obtenir l’indépendance de l’ensemble du territoire irlandais.

Après la séparation, les inégalités entre catholiques et protestants perdurent et s’accroissent en Irlande du Nord. En 1968 la minorité catholique du Nord de l’île commence à descendre dans la rue pour demander l’égalité des droits et la fin des discriminations.

S’inspirant du mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis et de la contestation de la guerre du Vietnam, l’Association des droits civiques d’Irlande du Nord (Nicra) se forme, animé par des catholiques et des protestants libéraux.

Les animateurs de cette association ne remettent pas en cause la partition de l’île mais revendiquent clairement l’égalité des droit : un homme, un vote aux élections locales (seules les personnes imposables votent) ;  la réforme du découpage électoral (des villes à large majorités catholiques élisent des conseils municipaux… protestants) ; la fin des discriminations au logement, à l’embauche, mais aussi le démantèlement des B-Specials (la police spéciale d’Ulster).

Les tensions montent et atteignent un point culminant en août 1969, lorsque pendant trois jours d’émeutes, les nationalistes du Bogside, dans la banlieue de Derry, défendent le quartier connu sous le nom de « Free Derry » contre la police et les B-Specials.

L’annonce de réformes apaise provisoirement les tensions, mais en août 1971, le gouvernement de la province d’Ulster décide d’interdire les manifestations et d’emprisonner 450 activistes membres des factions de I’IRA, des groupes d’extrême gauche et des leaders de la Nicra.

A « Free Derry » des barricades s’érigent de nouveau, mais cette fois, le secteur est défendu par des paramilitaires armés. Des tireurs ciblent les soldats britanniques et une intense campagne d’attentats à la bombe cible les commerces du centre-ville.

Au début de 1972, les arrestations en masse ont pour conséquence l’escalade de la violence, mais pour autant l’action non violente continue de mobiliser massivement.

L’armée britannique déclenche une boucherie sanglante contre des manifestants pacifistes

Bloody sundayL’après-midi du dimanche 30 janvier 1972, 15 à 20 000 manifestants se réunissent dans le quartier du Bogside, à Derry, la deuxième ville d’Irlande du Nord.

L’initiative de la marche revient à l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques (NICRA), qui lutte pacifiquement depuis la fin des années 1960 contre la discrimination faite à l’encontre de la minorité catholique d’Irlande du Nord.

À l’origine pacifique, la manifestation dégénère lorsque, peu après le crépuscule, les soldats du 1er bataillon du régiment de parachutistes du Royaume-Uni ouvrent le feu sur la foule, tuant treize personnes (dont sept adolescents) et en blessant quatorze autres dont deux écrasées par des blindés.

La plupart des victimes sont atteintes dans le dos, ou visées alors qu’elles tentent de se mettre à couvert. Un 14e manifestant décède quatre mois plus tard des suites de ses blessures.

L’image d’un prêtre catholique – Ed Daly – agitant un mouchoir blanc ensanglanté, qui aide les blessés à sortir du quartier du Bogside est devenue une véritable icône de Bloody Sunday. « J’étais là lorsque les parachutistes sont entrés, personne ne leur a tiré dessus, pas même des pierres, les gens courraient et les soldats ont ouvert le feu ».

Le Bloody Sunday a une portée politique majeure : il a très directement influencé les suites du conflit nord-irlandais et a encouragé de nombreux jeunes catholiques à prendre les armes et s’engager dans des organisations paramilitaires, notamment dans les rangs de l’IRA.

Jusqu’à la fin des années 1990, attentats, fusillades et représailles sanglantes rythment la vie quotidienne des Irlandais du Nord. Entre 1969 et 2002, près de 3 500 personnes trouvent la mort dans le cadre du conflit et plus de 45 000 blessés sont recensés.

 

Un événement difficile à assumer pour le gouvernement britannique

Après ces événements, le conflit s’amplifie entre les forces para-militaires loyalistes, les forces para-militaires indépendantistes (principalement l’IRA) et l’armée britannique. Des attentats sont organisés par chaque partie tandis que l’armée enferme et tue de façon arbitraire les membres pré-supposés des différentes organisations.

Après 12 ans d’enquête et de recueil de témoignages, 200 millions de livres de frais et 5000 pages de transcriptions, l’enquête officielle conduite par Lord Saville rend son verdict, en déclarant coupable le régiment parachutiste impliqué dans la tuerie à Derry en 1972. Ce qui ne fait que confirmer ce qui était clair dès le début : l’unité d’élite de l’armée anglaise a déclenché cette série de meurtres, non comme riposte à des tirs dont elle aurait été la cible, mais comme acte de répression brutale envers un mouvement de masse pour les droits civiques. Cependant la présentation du rapport Saville préserve soigneusement le mythe selon lequel des évènements comme la tuerie de Derry seraient exceptionnels.

 

Cet événement tragique inspira John Lennon ou le groupe irlandais U2 qui ont immortalisé en musique le souvenir de cette journée sanglante.

 

 

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