6 décembre 1989 : féminicide à l’Ecole Polytechnique de Montréal

Le 6 décembre 1989, les étudiants de l’Ecole Polytechnique de Montréal assistent au dernier cours avant les examens finaux qui feront d’eux des professionnels dans la construction des routes, barrages et centrales du pays.

A 17h10, Mark Lépine entre dans les locaux de l’Ecole. Il se rend dans la salle C6230.4 qui se situe au deuxième étage dans le but d’exterminer des femmes qui ont choisi une orientation professionnelle soi-disant réservée aux hommes. Il sépare ensuite les élèves en fonction de leur sexe, c’est-à-dire qu’il oblige les filles à se mettre au fond de la salle et demande aux garçons de disposer. Puis, il tire sur ces femmes en hurlant : « Vous êtes des femmes, vous allez devenir des ingénieures. Vous êtes toutes des féministes, et je hais les féministes ! » Son parcours se poursuit dans les locaux de cette école où il tue d’autres femmes, blesse des femmes et des hommes.

Au départ, la nature politique de cette attaque est négligée par les médias qui omettent le caractère sexiste, voire féminicide et préfèrent décrire l’acte de Lépine comme l’œuvre d’un fou, d’un dégénéré.

A jamais dans nos mémoires

Ce jour-là, quatorze femmes – 13 étudiantes et une employée – sont assassinées parce qu’elles étaient des femmes. Agées de 20 à 29 ans, elles s’appelaient Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault, Annie Turcotte, Barbara Klucznik-Widajewicz. Et dix autres personnes seront blessées avant que l’auteur du massacre ne se suicide. En tout, la scène aura duré 20 minutes.

Ce 6 décembre 2019 est donc l’occasion de rendre hommage à ces quatorze femmes tuées en raison de leur sexe et à toutes les autres victimes des féminicides.

Les données officielles en France et les mesures protectrices prises

Chaque année en France, près de 213 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. En 2018, 121 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire. Sur l’année 2019, ce chiffre serait en augmentation, rompant avec une tendance à la baisse observée les années précédentes, preuve de la fragilité des « améliorations » lorsqu’elles se manifestent.

Cette même année, le Premier ministre Edouard Philippe a dévoilé un plan de lutte contre les violences conjugales. Ce plan vise à assouplir le secret médical, à créer deux centres de prise en charge par région, à mettre en place une ligne pour les victimes joignable 24h/24, à mieux former les forces de l’ordre, à créer des postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les commissariats et gendarmeries, à redéfinir les termes de violences et d’emprise psychologique dans le Code civil et le Code pénal et à briser la chaîne du silence afin de libérer la parole afin d’impulser un changement de mentalité.

Au-delà de ces annonces, le combat reste donc entier et bien des luttes restent à mener pour que, au-delà des lois et des politiques publiques, les mentalités évoluent et tournent le dos totalement et définitivement à la sous-estimation, voire à la légitimation, des violences faites aux femmes.

 

Maïmouna Diakhaby