5 novembre 1887 : naissance de René Maran, premier homme noir à avoir reçu le prix Goncourt

Le 5 novembre est l’occasion de rendre hommage à René Maran, premier écrivain noir à obtenir le prestigieux prix Goncourt. Cet administrateur colonial d’outre-mer en Oubangui-Chari, aujourd’hui la Centrafrique, fut le premier à mettre en évidence les conditions de vie déplorables des peuples colonisés. Témoin des horreurs du colonialisme, René Maran met en lumière dans son roman Batouala, la famine, les attitudes indécentes de certains colons ainsi que la vente des femmes. Le sujet de ce roman est en soi une révolution puisque c’est la première fois dans le monde littéraire qu’un homme noir est placé au centre d’un roman.

Le colonialisme dénoncé

Pourtant, à l’annonce du prix décerné par l’Académie Goncourt en 1921, un scandale éclate à cause de la préface du livre. À une période où les oeuvres indigènes étaient systématiquement préfacées et banalisées par l’administration coloniale, Batouala sonnait déjà comme un formidable cri de liberté : « Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents. Citoyens, tu bâtis ton royaume sur des cadavres…Tu es la force qui prime sur le droit. Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce que tu touches, tu le consumes ».  En effet, René Maran interpelle l’entreprise coloniale en peignant un portrait abjecte de la vie locale et en remettant en cause le bien-fondé et la légitimité de celle-ci. Il dénonce dans ces lignes les rapports conflictuels entre Noirs et Blancs.

Le monde littéraire français indigné

Le roman fait donc l’effet d’une bombe dans la France des années folles et indispose la bonne conscience métropolitaine. Baignée dans un racisme ordinaire, l’opinion est choquée par ces propos. Les journaux s’enflamment et se déchaînent. D’ailleurs, René Maran sera poussé à démissionner et son livre sera interdit de publication dans les colonies africaines. Une campagne visant à le discréditer sera également menée dans la presse et devant les tribunaux. Ces événements brutaux blesseront profondément l’écrivain, qui se retirera peu à peu de la vie publique, tout en continuant à se battre pour faire entendre sa vérité.

Une figure de la « négritude »

Les pères de la « négritude » que sont Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor ou Birago Diop s’inspireront de cet auteur né à Fort-de-France et en feront une référence.

Tous le citeront sans exception, le considérant comme l’un des précurseurs de la « négritude » : concept pour lequel il a pourtant émis des réserves.

 

Maïmouna Diakhaby