Que va changer la légalisation des contrôles au faciès ?
Comprendre en quelques minutes pourquoi la légalisation des contrôles au faciès est contre-productive et honteuse.
Aujourd’hui, mardi 3 octobre 2017, les députés ont voté le projet de loi n°587 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Si rien n’est fait, le contrôle au faciès sera désormais autorisé par la loi !
Le contrôle au faciès existe déjà. Que va changer cette loi ?
En effet, au quotidien, des personnes et surtout des jeunes subissent le contrôle au faciès contre lequel nous nous battons chaque jour. Nous refusons que celui-ci devienne légal !
Aujourd’hui, il est possible de faire des contrôles d’identité aux points d’entrée sur le territoire (frontières terrestres, frontières maritimes, gares internationales, ports et aéroports internationaux). Il est donc possible d’opérer des contrôles aux frontières terrestres et maritimes jusqu’à 20km à l’intérieur des terres.
Le projet de loi vise à étendre ce périmètre de 20 kilomètres à une multitude de points d’entrée que sont les gares et les aéroports.
Alors qu’il est aujourd’hui possible de faire un contrôle d’identité aux frontières au sein de la Gare du Nord ou au sein de l’aéroport de Roissy, demain il sera possible de faire de tels contrôles jusqu’à 20 km autour de ces lieux.
Pourquoi chacune et chacun d’entre nous est concernés ?
Avec ces nouvelles règles, 70% de la population sera potentiellement concernée par de tels contrôles. Faites un rayon de 20 km autour de l’aéroport de Roissy, autour de l’aéroport d’Orly et autour des Gares du Nord et de Lyon, et en fait vous couvrez presque toute la région parisienne! Idem avec les aéroports et gares de Toulouse, Lyon, Lille… Quasiment tout le monde pourra se voir soumis à un contrôle aux frontières.
En outre, ne soyons pas naïfs: ceux qui seront visés par cette loi seront les personnes que les policiers estiment susceptibles d’être étrangères, donc les noirs, les arabes, les berbères, les asiatiques, les personnes originaires de l’Est de l’Europe… Bref, ce qui va progresser, ce sont les contrôles au faciès, pourtant condamnés par la Cour de Cassation, plus haute instance judiciaire française.
Pourquoi dénoncer cette loi ne revient pas à être laxiste ?
Cette loi vise à lutter contre le terrorisme mais opère surtout un formidable renforcement du pouvoir administratif et est marqué par une logique de suspicion généralisée. Sur la question plus précise de l’extension des contrôles d’identité aux frontières, outre qu’elle est traversée par ces deux logiques, il faut bien voir qu’elle n’a aucun rapport avec la lutte contre le terrorisme…
Qui peut croire que la multiplication de contrôles d’identité permettra de lutter plus efficacement contre le terrorisme? Le terrorisme tue, estropie, vise à faire peur. Le sujet est sérieux. Alors, traitons-le sérieusement et pas avec des mesures qui visent à amuser la galerie.
Regardons d’ailleurs ce qui vient de se passer ce dimanche 1er octobre à la Gare Saint-Charles de Marseille. Deux personnes ont été assassinées par un terroriste. Or, dans la Gare Saint-Charles, des contrôles d’identité aux frontières peuvent déjà être pratiqués…
Lutter contre le terrorisme nécessite d’améliorer la qualité des services de renseignement et de couper les réseaux terroristes de tout soutien idéologique, logistique ou affectif au sein de la population. Ce projet de loi ne répond à aucun de ces deux objectifs.
Pourquoi cette loi est dangereuse pour la cohésion de notre pays ?
Cette loi est dangereuse car elle fait l’amalgame entre étranger et terroriste et, immanquablement, ne fera que donner une « autorisation » de fait aux forces de l’ordre à pratiquer des contrôles au faciès. Or, de quoi se nourrissent les terroristes djihadistes, si ce n’est d’un recul du vivre ensemble et d’une progression du racisme?
Dans ce projet de loi, on dirait que, sur plusieurs points, le Gouvernement est tombé à pieds joints dans le piège tendu par les djihadistes. C’est très grave que nos gouvernants fassent preuve d’un tel amateurisme sur un sujet aussi sérieux car n’oublions pas que de la qualité de notre réponse dépendra le nombre de vies épargnées.
Pourquoi faut-t-il se mobiliser ?
Il faut se mobiliser car cette extension des contrôles d’identité aux frontières – et donc immanquablement des contrôles au faciès – est un recul de la liberté fondamentale d’aller et de venir tout autant qu’une source de discrimination – de fait – qui affaiblira le vivre ensemble là où la menace terroriste demande de le renforcer.