Depuis, la situation s’est embrasée. Tandis que le Hamas lançait des roquettes sur Israël, Israël ripostait par des bombardements au corollaire inéluctable : des victimes civiles par centaines.
Le sang a déjà trop coulé au Proche-Orient et les haines se sont à ce point aiguisées que les voix qui plaident pour la paix n’arrivent plus à submerger celles de l’intolérance.
Chez nous, en France, à plusieurs milliers de kilomètres de là, ce conflit est devenu prétexte pour mieux servir la haine. Ces derniers jours, l’air est devenu lourd dans notre pays du fait de minorités actives. Les esprits s’échauffent et chacun est renvoyé dans un camp exclusif et quasiment sommé d’affronter le camp d’en face. Alors que des mères meurtries, appartenant à des parties en guerre, semblent capables de se parler, pourquoi serions-nous incapables ici, dans un pays en paix, de manifester autre chose qu’une agressivité nourrie de racisme et d’antisémitisme ?
L’existence d’affinités et l’expression de solidarités sont bien évidemment parfaitement légitimes. Mais elles ne sauraient en aucun cas venir justifier des expressions de haines ou des agressions envers celles et ceux qui exprimeraient une sensibilité différente. À cet égard, l’antisémitisme qui s’affiche ces derniers jours est inacceptable et doit être combattu. Les expressions d’un racisme anti-arabe ne sauraient être davantage tolérées.
Toutes ces manifestations de haine n’ont d’ailleurs pas attendu que des déchirements interviennent sur le conflit au Proche-Orient pour s’exprimer. Ces derniers mois et tout récemment, un antisémitisme brutal dans les mots et violent dans les actes – que l’on pense aux meurtres de Mohammed Merah il y a deux ans et aux agressions envers plusieurs synagogues de la région parisienne ces dernières heures- signe le retour en force des logiques de boucs émissaires et des phénomènes de peur chez les Juifs de France.
Mais ce qui apparaît comme une terrible décomposition du «vivre ensemble à la française» nous est depuis un certain temps donné à voir et à prévoir.
À force de délaisser les quartiers populaires, de ne pas prendre en considération le racisme et les discriminations dont les populations d’origine immigrée sont victimes, la violence symbolique et réelle qui leur est infligée n’a jamais été questionnée. Pas plus que la violence parfois démesurée qu’elle peut générer en retour.
C’est ainsi qu’aujourd’hui en France le racisme anti-rom vient de frôler le meurtre, après le lynchage de Gheorghe, un adolescent de 16 ans. Aujourd’hui le racisme biologique réapparaît en France et vise une ministre que l’on compare à un singe et que l’on invite à remonter dans un arbre. Aujourd’hui en France la stigmatisation des populations arabo-musulmanes est à l’œuvre avec, au mieux, des accusations d’appartenance à une 5ème colonne, au pire à celle d’une mouvance terroriste. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui en France, un parti qui a la haine pour matrice regroupe 25% des suffrages exprimés à des élections européennes.
C’est pour tout cela qu’aujourd’hui en France nous devons avoir un horizon commun : celui de construire une société fraternelle plutôt que de nous perdre dans des luttes épuisantes qui détournent de cet objectif. Ne pas le comprendre, c’est laisser prospérer ceux-là même dont le projet de société est fondé sur le refus de l’égale dignité entre les citoyens.
Construire une société fraternelle, c’est œuvrer à la mise en actes des valeurs républicaines d’égalité et de fraternité. Cette mise en acte renvoie chacun à sa responsabilité individuelle, par un réengagement massif dans les dynamiques de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations. C’est pour notre pays la condition sine qua non de la construction d’une dynamique collective de progrès à laquelle chacun participera au-delà de ses différences. C’est d’ailleurs parce que nous aurons réussi à construire cette dynamique collective que nous aurons une voix plus utile au Proche-Orient. Une voix utile pour œuvrer à un cessez-le-feu immédiat et pour contribuer avec les sociétés israélienne et palestinienne à la reprise sincère d’un processus de paix conclusif et permettant d’aboutir à ce qui ne sera plus simplement un slogan mais une réalité : «Deux peuples, deux États».