Libye: Réduits en esclavage parce que noirs
Le 14 novembre dernier, le monde découvrait avec stupéfaction ce que des ONG savaient et dénonçaient : la vente de migrants noirs sur des marchés aux esclaves en Libye. Africains, descendants d’Africains et Antillais, nous nous sentons profondément blessés par cette actualité qui ravive des douleurs issues des profondeurs de notre Histoire. Aux côtés d’artistes, d’intellectuels et de militants épris de liberté, nous interpellons ceux qui, par leur silence ou leur complicité passive, laissent le crime se déployer depuis plusieurs années. Rejoignez-nous.
Nous sommes au début du 21ème siècle. Mais pour les migrants africains qui sont jetés sur les routes de l’exil par la misère, la guerre ou l’oppression politique, il semblerait que nous soyons revenus au temps où leurs ancêtres étaient soumis à la traite négrière transsaharienne.
Du Sinaï au désert libyen, c’est en effet un crime contre l’Humanité qui se déroule depuis plusieurs années. Des êtres humains y sont battus parfois jusqu’à la mort, rançonnés, violés, séquestrés, affamés et réduits en esclavage.
Il y a quelques jours, des caméras ont saisi dans le sud libyen des images que nous ne pouvions qu’imaginer ou contempler sur de vieilles photos jaunies révélant des scènes surgies d’antan : la vente de noirs sur des marchés aux esclaves. Comme si se reconstituaient les vieilles routes de l’esclavage qui passaient jadis par Koufra ou Barqa.
Nous ne sommes ni naïfs, ni ignorants. Nous savons, sans doute en nous en indignant insuffisamment, que plus de 40 millions de personnes vivent dans le monde dans une situation assimilable à l’esclavage. Nous savons également les supplices que subissent les migrants entre les mains des passeurs et de leurs complices.
Mais la situation que vivent en Libye les migrants venus de l’Afrique subsaharienne nous révulse particulièrement pour trois raisons.
Tout d’abord, c’est un pays où même les représentants de la force publique se livrent aux pires sévices au sein de camps immondes qui, dans leur effroyable réalité concentrationnaire, sont tous des offenses à la conception la plus minimale du respect dû aux êtres humains.
Ensuite, c’est un pays membre de plusieurs organisations internationales ou régionales qui ont, jusqu’à aujourd’hui, fait preuve d’une frappante inaction : l’ONU, dont la seule réponse ne saurait être l’indignation, l’Union africaine, la Ligue Arabe et l’Organisation de la Coopération Islamique.
Enfin, c’est également un pays que l’Union européenne a choisi comme un partenaire chargé d' »assurer » la frontière sud de l’Europe. Et ceci dans un but publiquement assumé : éviter que des migrants posent le pied sur le Vieux continent pour y trouver un refuge.
Au regard des exactions dont elle a été alertée par de nombreuses ONG, comment l’Union européenne peut-elle caresser l’espoir d’un accord avec la Libye calqué sur celui qu’elle a, en tout déshonneur, conclu avec la Turquie ?
Comment l’Union européenne peut-elle accepter que l’Italie – qui agit en quelque sorte par délégation des autres pays membres de l’Union – finance des milices locales impliquées dans les horreurs décrites ?
Comment l’Union européenne peut-elle continuer à concentrer son attention sur le renvoi de migrants au sud de la Libye alors que l’urgence est bien celle de mettre fin à un crime contre l’Humanité ?
La responsabilité morale – et judiciaire ? – de l’Union européenne dans ce cauchemar est davantage qu’un constat : elle est une honte dont nous refusons qu’elle soit recouverte par les habituels propos lénifiants sur l’illusoire « amélioration des conditions de détention ». On n’améliore pas la pratique esclavagiste et les réalités concentrationnaires. On les combat jusqu’à leur disparition totale.
C’est pourquoi, dans cette interpellation qui s’adresse également aux pouvoirs africains, nous exigeons de l’Union européenne et des Etats-membres qu’ils indiquent sans délai les mesures qu’ils comptent prendre afin de mettre un terme aux souffrances qui frappent des noirs que l’on dirait ramenés aux heures sombres de l’esclavage.
Ils et elles ont déjà signé et vous ?
Dominique SOPO, Audrey PULVAR, Serge ROMANA, Baki YOUSSOUFOU, Sonia ROLLAND, Harry ROSELMACK, Viviane ROLLE ROMANA, Omar SY, Oumou SANGARE, Abdourahmane SECK, Cheick Tidiane SECK, Claudy SIAR, Ibrahim SOREL, Lilian THURAM, Yannick NOAH, Gilles LELLOUCHE, IMANY, Rachel KOMBELA, Louis-Georges TIN,Tiken Jah FAKOLY, Hélène SY, Mouloud ACHOUR, Rachid AHRAB, Jean-Christophe RUFIN, Fode Sanikayi KOUYATE, Cédric KALONJI, Inna KARANTA, Mahamadou Lamine SAGNA, Rodney SAINT-ELOI, Bertrand AMOUSSOU, Abdennour BIDAR, Guillaume BINET, Pascal BLANCHARD, Rachid BOUCHAREB, Stomy BUGSY, Ali REBEIHI, Firmine RICHARD, Christophe ROBERT, Mario CANONGE, Cémentine CELARIE, Diagne CHANEL, Audrey CHAUVEAU, François CLUZET, Daniel DALIN, Laurent DESMARD, Jacob DESVARIEUX, Manu DI BANGO, Karfa Sira DIALLO, Emilienne SAME, Arsene TUNGALI, Doudou DIENE, Jérôme DINDAR, Pape DIOUF, Alexandre DRUBIGNY, Alain DUPOUY, Fred EBOKO, Dominique FARRUGIA, Liévin FELIHO, Vincent FELTESSE, Jacky MAMOU, Lionel GAUTHIER, François GEMENNE, José Manuel GONCALVES, Emmanuel GORDIEN, Faïza GUENE, Cheikh FALL, Steevy GUSTAVE, Mémona HINTERMANN, Paulin J.HOUNTONDJI, Lucien JEAN-BAPTISTE, JR, Almamy KALOKO, Paulin J. KANANURA, Oumy Regina SAMBOU, Fatou BARRY, Benjamin ABTAN, Salif KEÏTA, Thierry KUHN, Philippe LACHEAU, Francis LALOUPO, Luc LAVENTURE, Philippe LAVIL, Benaouda LEBDAI, Chantal LOÏAL, Nadine MACHIKOU, Jacques MARTIAL, Achille MBEMBE, Danielle MERIAN, Etienne MINOUNGOU, MOKOBE, Madeleine MUKAMABANO, Gueye BAMBA, Bonaventure MVE ONDO, NAGUI, Olivier NAKACHE, Pap NDIAYE, Simon NJAMI, Euzhan PALCY, Franck PAPAZIAN, PASSI, José PENTROSCOPE, Fodé SYLLA, Sami TCHAK, Soraya TLATLI, Martial ZE BELINGA, France ZOBDA, Serge Katembera RHUKUZAGE, Angélique KIDJO, Ebrima SALL, Séverine KODJO-GRANDVAUX, Alain MABANCKOU, Victoire JASMIN, Mariann MATHEUS, Souleymane CISSOKHO, Aïcha ELBASRI, Sani AYOUBA, Patrick CHAMOISEAU, Olivier ROGEZ, Abdoul Karim GOZA, Marie-Roger BILOA…