L’égalité, un projet exaltant pour la France
En sommant l'Etat de signer enfin les décrets de la loi instaurant le CV anonyme (1), le Conseil d'Etat vient de rappeler quelques évidences. Tout d'abord, qu'il est possible en France qu'une loi votée en 2006 par la représentation nationale puisse être ignorée pendant 8 longues années.
Ensuite, qu’il existe toujours une bonne raison pour les pouvoirs publics de notre pays de ne pas avancer sur la voie de la lutte contre les discriminations. En effet, sur quel sujet les pouvoirs publics se permettent d’attendre 8 ans pour signer un décret ? Sur quel sujet les critiques contre une loi déjà votée n’aboutissent pas rapidement à des propositions alternatives permettant d’avancer dans la voie souhaitée, en l’occurrence celle de l’égalité ?
La réalité, triste et grave, c’est que les pouvoirs publics, depuis trop d’années, ont lutté contre la logique de l’égalité raciale ou se sont abstenus de toute mesure ambitieuse en la matière
Que l’on pense, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à la disparition de la Halde, au recul des droits des étrangers, aux paroles de stigmatisation répétées à l’encontre des musulmans, des Roms, des immigrés et de leurs enfants.
Que l’on pense à la frilosité stupéfiante de la gauche au pouvoir sur la question des discriminations, et plus largement de l’égalité. Depuis deux ans, elle a manifestement refusé de faire reprendre à notre pays ce chemin si précieux de l’égalité. En témoignent le manque de volonté dans la mise en place du droit de vote des étrangers ou du « ticket de contrôle », mesure de lutte contre les contrôles d’identité au faciès.
Au-delà de la question du CV anonyme, il y a donc urgence à ce que les pouvoirs publics cessent de traiter par la stigmatisation ou par un méprisant silence les revendications légitimes de celles et de ceux qui souhaitent construire une République fraternelle, et donc respectueuse de l’égale dignité entre les citoyens.
Comment nos responsables politiques ont pu à ce point, pour des raisons électoralistes de court-terme ou par refus idéologique assumé ou non, abandonner la réalisation de la promesse d’égalité qui est celle de la République ? Comment ne voient-ils pas que cette attitude fait reculer l’idée même d’égalité, au plus grand profit de l’extrême-droite, structurée par ce refus ? Comment ne voient-ils pas que ce cynisme si particulier est une des causes de l’effondrement de partis républicains dont les citoyens constatent un manque d’éthique politique qu’ils ne semblent pas près de corriger ?
Prenant acte de cette situation, nous, associations, avons la conscience qu’il s’agit de créer un espace pour une société civile exigeante et ayant la certitude que l’égalité ne se concède pas mais qu’elle se conquiert. C’est pourquoi, face à l’absence d’une ambition clairement affichée, aussi bien en termes d’actes concrets que de discours, nous réclamons de l’Etat :
- l’exemplarité quant à ses pratiques en matière de recrutement, de progressions de carrière, d’attributions de logements…
- des réformes législatives permettant de faire reculer de façon effective les pratiques discriminatoires dans l’emploi, le logement et les loisirs
- un travail effectif sur les représentations issues des préjugés, des stéréotypes et des rancœurs léguées par l’Histoire et dons nous savons qu’elles sont un puissant vecteur des pratiques discriminatoires.
- l’arrêt d’une logique de lutte contre l’immigration qui, en associant les phénomènes migratoires au seul registre des problèmes, contribue à une animosité que nul décideur ne peut ignorer.
Nous enjoignons toutes les associations et tous les citoyens qui se reconnaissent dans cette démarche à nous rejoindre afin que notre destin puisse se dessiner en conformité avec nos ambitions. Car après tout, offrir à tous les jeunes qui vivent en France un pays dans lequel chacun les considérerait avec bienveillance comme ses enfants et dans lequel ils pourraient enfin réaliser pleinement leurs rêves, voici un projet exaltant qui est la condition sine qua non de notre capacité à rêver à nouveau ensemble.