23 février 1515 Marignan ? Non c’est le droit du sol qui devient la règle

En 1515, la bataille de Marignan élargit le royaume de France et avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts, le français devient langue officielle. Dans cette logique d’unification du royaume, le droit du sol - jus soli - est introduit en droit français quelques semaines à peine après l’avènement de François Ier. Il permet d'obtenir la nationalité du pays sur le territoire duquel on naît, mais surtout il affirme ainsi le pouvoir du Roi de France sur ses sujets.

 

C’est un arrêt du Parlement de Paris du 23 février 1515 qui accorde la qualité de « sujet du roi de France » aux enfants nés en France de parents étrangers. Cette décision avait été précédée – deux siècles plus tôt par un édit de Louis X le Hutin du 3 juillet 1315 -déclarant libre tout esclave touchant le sol de France.

A la Révolution, la notion de nationalité apparaît, et la Constitution de 1791 pose comme principe que« sont Français les fils d’étrangers nés en France et qui vivent dans le royaume ». Supprimé en 1804 par Napoléon Bonaparte, le droit du sol est progressivement réintroduit en 1851 et 1889, pour répondre à des besoins croissants en travailleurs ou en futurs soldats.

L’enfant né en France de parents étrangers est français s’il réside sur le territoire national. Par le double droit du sol, un enfant né en France d’un parent étranger lui-même né en territoire français est français de naissance, sans condition de résidence. Le droit du sol s’oppose au droit du sang – jus sanguini – qui reconnaît pour national celui dont un parent au moins est lui-même national. Depuis, ces deux principes ont toujours coexisté en droit français, même si, selon les époques, l’un ou l’autre de ces deux principes a prévalu.

Le droit du sol, plus ancien que la République et profondément inscrit dans la tradition juridique française, n’a pas été à l’abri de tentatives de remise en cause.

Depuis les années 80, il est la cible des discours de la droite et de l’extrême droite, à l’image de la phrase récurrente de Jean-Marie Le Pen, « Quand une chèvre naît dans une écurie, ce n’est pas pour cela qu’elle devient un cheval », ou de slogans du type « être français, ça se mérite » ou « la carte d’identité n’est pas la carte orange ». Embrayant et collant à l’extrême-droite, une partie de la droite classique multiplie les tentatives pour le remettre en cause.

En 1986, un projet de loi présenté par Charles Pasqua propose de durcir les conditions d’obtention de la nationalité française en supprimant le droit du sol. Il cible particulièrement les enfants de personnes nées en Algérie française, qui par le double droit du sol, sont français automatiquement. Le gouvernement est finalement contraint de reculer grâce aux manifestations organisées par SOS Racisme et l’UNEF.

En 1993, malgré les mobilisations de la société civile, le droit du sol est largement dénaturé par le gouvernement Balladur qui, réformant le code de la nationalité, supprime l’automaticité de l’obtention de la nationalité française pour les jeunes nés en France de parents étrangers. Les jeunes nés en France devaient, entre 16 et 21 ans, en faire explicitement la demande, sous forme de lettre de motivation, et une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement entre 18 et 21 ans pouvait leur coûter la nationalité. Cette « manifestation de volonté » a été supprimée par la loi Guigou du 16 mars 1998, qui a rétabli l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité.

Aujourd’hui, en vertu du droit du sol, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert, de plein droit et de façon automatique, la nationalité française à ses 18 ans (ou à ses 16 ans s’il le demande), à condition de résider en France à cette date et d’y avoir résidé pendant au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans.

Il n’en demeure pas moins que le droit du sol reste encore aujourd’hui fréquemment attaqué par l’UMP et le FN, qui appellent à un durcissement de l’obtention de la nationalité française. C’est toute une logique d’ouverture, d’intégration et de vivre-ensemble qui s’en trouve menacée.