Report du projet de loi « Asile et immigration » à l’automne : soulagement temporaire et inquiétudes renforcées

En annonçant le report du projet de loi « Asile et immigration » promu depuis de nombreux mois par
le ministre de l’Intérieur, Elisabeth Borne éloigne provisoirement le spectre de débats
partculièrement nauséabonds et de réformes validant les obsessions anti-immigrées de l’extrême
droite et de la droite extrême.

Pour rappel, le projet de loi tel qu’il avait été validé par le conseil des ministres en début d’année
promettait, sur fond d’amalgames entre immigration et délinquance soutenus par Gérald Darmanin
depuis l’été 2022, d’opérer le retour de la « double peine » et, plus généralement, de frapper plus
facilement de mesures d’éloignements les personnes en situation irrégulière au prix d’inquiétants
reculs des droits des personnes. En parallèle de ces inquiétantes dispositions, le projet de loi

prévoyait également le durcissement de l’accès aux cartes de séjour ainsi que la généralisation

du juge unique à la CNDA laissant craindre une dégradation de la qualité de l’étude des dossiers des
demandeurs d’asile.

Cependant, le refus d’abandonner ce projet de loi ainsi que les explications du report fournies par la
première ministre soulèvent des inquiétudes.

En effet, le projet de loi est reporté car Les Républicains ne sont pas prêts à le soutenir en l’état. La
volonté de vouloir, en matière d’immigration, forger une majorité avec LR est la garantie d’un
durcissement des dispositions d’ores et déjà prévues, soit dans le projet de loi que la première
ministre présenterait à l’automne, soit au cours des débats. Pour rappel, lors de son passage au mois
de mars dernier devant la commission des lois du Sénat, le projet de loi finalement ajourné en raison
des mobilisations sociales avait fait l’objet d’un durcissement impulsé par la droite sénatoriale qui
avait fait adopter la suppression de l’AME et un énième durcissement des conditions ouvrant droit au
regroupement familial. A cet égard, l’annonce lors de la conférence de presse de ce jour de la
première ministre du renforcement des effectifs de la police et de la gendarmerie à la frontière
franco-italienne semble montrer à quel point l’obsession de paraître ferme sur l’immigration a gagné
jusqu’à Matignon, ce qui augure d’une séquence parlementaire qui, contrairement à ce qu’a évoqué
Elisabeth Borne, ne sera en aucun cas marqué par la recherche d’un « texte nécessairement
équilibré ».

Dominique Sopo, président de SOS Racisme déclare que « sans attendre la nouvelle mouture de ce
projet de loi, SOS Racisme demande à la première ministre de mettre un terme à cette séquence qui
n’a que trop duré. En effet, ce projet de loi a été annoncé par le ministre de l’Intérieur l’été dernier. Il
a été mis sur pause dans l’attente d’une prétendue concertation. Il a ensuite été présenté devant le
Sénat. Puis ajourné du fait des mobilisations sociales. Ensuite promis à la découpe par le président.
Puis « recollé » et annoncé comme imminent. Et donc désormais reporté à l’automne prochain. »
Alors que l’épisode « Wuambushu » à Mayotte montre que le pouvoir n’est pas en mesure de
maîtriser les tempêtes qu’il déclenche aux seules fins de la consolidation d’un discours d’efficacité
technique dans la menée d’opérations d’expulsions massives, le feuilleton du projet de loi « Asile et
immigration » entretient un climat malsain et ne peut que venir valider l’imaginaire de l’extrême-
droite.

C’est pourquoi nous demandons le retrait définitif de ce projet de loi et continuons à réclamer

l’abandon de l’opération « Wuambushu » qui plonge Mayotte dans le chaos depuis plusieurs jours.