Nouvelles révélations de StreetPress et d’un brigadier-chef sur des centaines de cas de racisme et maltraitance dans les cellules du tribunal de Paris : SOS Racisme demande l’ouverture d’une information judiciaire, l’ouverture d’un contrôle par l’inspection générale de la justice et une mobilisation du Barreau de Paris

Grâce au courage et à l’esprit républicain du brigadier-chef Amar Benmohamed, StreetPress a révélé aujourd’hui une nouvelle affaire d’envergure concernant le racisme dans la police, au sein des cellules du tribunal de Paris.

Plusieurs centaines de personnes, dans l’attente de leur jugement, y ont subi des insultes racistes et homophobes, des moqueries, des humiliations et des maltraitances. Traités de « bougnoule », « négro » ou « bâtard », privés de nourriture et d’eau, maltraités par des refus de soins, les prévenus au dépôt ont subi un enfer. L’enquête montre également que certains fonctionnaires de police subissaient du harcèlement moral et sexuel ainsi que des injures racistes, notamment lorsqu’ils ont voulu dénoncer ces faits.

Alors que le brigadier-chef Amar Benmohamed, lui-même victime d’injures racistes, a tout tenté pour faire remonter ces affaires, rien ne s’est passé. Au contraire, il déclare avoir été dénoncé et « mis au ban » par certains collègues, alors même qu’il est un délégué syndical et donc engagé dans la défense desdits collègues.

Pire encore, la hiérarchie a tout fait pour étouffer ces signalements, pourtant édifiants, et même attaquer le lanceur d’alerte en dénonçant auprès de l’IGPN son « manque de loyauté ». L’enquête journalistique prouve également que le cabinet du préfet de police de Paris était au courant, mais s’est contenté de confier à l’IGPN seule le soin de procéder à des auditions qui, un an après, n’ont donné lieu à aucune sanction alors même que ces faits ont été confirmés par plusieurs fonctionnaires lors de ces auditions. Le procureur de la République n’a pas été saisi, et l’actuel président du TGI de Paris n’était pas au courant.

SOS Racisme apporte tout son soutien à Amar Benmohamed, qui n’a fait que son travail, c’est-à-dire dénoncer des faits extrêmement graves de racisme, d’homophobie et de maltraitance. Il en subit aujourd’hui les conséquences au quotidien.

Les supérieurs du brigadier-chef, ainsi que son syndicat, devraient être en première ligne pour le soutenir face à la calomnie.

Ces révélations prouvent une fois de plus l’extrême défaillance de l’IGPN dès lors qu’il s’agit d’enquêter sur les violences physiques et symboliques d’agents de police envers les citoyens ou sur les cas de racisme subis en interne par des fonctionnaires. Ainsi, une fois de plus, l’IGPN, bien que saisie, a étouffé l’affaire comme elle a tenté d’en étouffer d’autres, comme le prouvent les remontées de policiers qui nous sont parvenues ces derniers mois. Une réforme profonde est nécessaire, pour que l’impunité cesse.

Au regard de cette situation et des multiples dysfonctionnements et délits qu’elle met en lumière, SOS Racisme a procédé ce jour à trois démarches :

– la demande auprès du parquet de Paris de l’ouverture d’une information judiciaire afin que la lumière soit faite sur cette tolérance au racisme, à l’homophobie et, plus généralement, à une forme de sadisme envers les justiciables.

– la demande auprès d’Eric Dupont-Moretti d’une saisine de l’inspection générale de la justice. En effet, les faits évoqués se sont passés dans des cellules dépendant du TGI de Paris. Il n’est évidemment pas admissible que la justice n’ait rien vu ou n’ait rien voulu voir de cette situation gravement attentatoire aux droits élémentaires et à la dignité humaine. Que cela ait pu être possible du fait de cécités plus ou moins volontaires ou du fait d’une organisation défaillante de cet espace privatif de liberté, des réponses doivent être apportées et des mesures prises.

– la demande, auprès du Barreau de Paris, de la collecte d’informations auprès de ses avocats référents qui, affectés en ces lieux, ont notamment pour rôle de recueillir les plaintes liées aux conditions de détention.

 

Cette situation démontre encore une fois l’urgence pour le gouvernement d’agir et de cesser le déni. Il y a un problème évident, manifeste et grave de racisme au sein de la police, favorisé par une omerta spectaculaire dont le constat de l’aspect nocif a été dressé par plusieurs de nos voisins, à l’exemple de la Grande-Bretagne.

Combien de révélations seront encore nécessaires pour que des mesures, qui dépassent les déclarations d’intention soient réellement proposées ? Combien de victimes du racisme de policiers auront encore à essuyer des fins de non-recevoir et un déni des préjudices subis ? Combien de fonctionnaires de police d’origine maghrébine, subsaharienne ou originaires des Outre-mer devront subir des propos et des harcèlements racistes avant que le ministère de l’Intérieur daigne avoir un mot et poser des actes à leur endroit ?

Lorsque l’on fait de l’extrême-droite son principal adversaire, il faut être crédible pour la combattre. Les principes républicains prennent toute leur grandeur lorsqu’ils sont suivis d’effet et qu’ils permettent à chacun d’être traité à égale dignité.