Aujourd’hui avait lieu la très controversée « marche contre l’islamophobie ».
SOS Racisme n’y avait pas appelé tant n’y étaient pas réunies les conditions du succès d’une réaction antiraciste au climat de haine des musulmans qui s’est installé dans notre pays, et de façon spectaculaire ces dernières semaines.
SOS Racisme s’est également peu exprimé en amont de cette marche autour de laquelle bien des comportements hypocrites se sont déployés. Que ce soit de la part d’une partie des soutiens à cette manifestation qui, en une violation opportuniste de leurs fondamentaux, a fait mine de ne pas voir le problème de se mettre à la remorque d’un texte jouant sur la corde de la victimisation, de la communautarisation et de l’hystérisation du débat public.
Que ce soit également de la part d’une partie des contempteurs de cette manifestation, invoquant son attachement à l’antiracisme universaliste dès lors qu’il faut expliquer pourquoi une manifestation avec et pour des musulmans pose un problème. Car la musulmanophobie – terme bien plus juste et clair que celui très piègé d’islamophobie – est une réalité en actions que nous avons été amenés à dénoncer à trop de reprises ces derniers mois, que ce soit suite à la profanation de la mosquée de Bergerac, suite à l’attentat contre celle de Bayonne, suite à l’agression d’une femme voilée par un élu de la République, suite à une proposition de loi visant à interdire les signes religieux pour les personnes accompagnant les sorties scolaires ou en raison de la libération d’une parole haineuse et stigmatisante dans des médias tels que C News mais également parfois au plus haut niveau de l’Etat.
Que ce soit également de la part d’une partie non négligeable des médias, faisant mine de regretter que la manifestation ne soit pas à l’initiative d’organisations antiracistes universalistes qu’elle s’est pourtant ingéniée à marginaliser dans le traitement de l’information ces dernières années, au profit d’une approche de plus en plus communautarisée des combats contre la haine raciste, les violences et les discriminations.
Au final, une manifestation peu suivie – d’autant qu’elle était nationale et intervenait dans un climat d’extrême et légitime émotion – et qui, malgré les citoyennes et citoyens dignes et graves qui en constituaient l’essentiel, contribue sans doute à permettre aux uns et aux autres de se renforcer dans leurs certitudes, leurs refus et leurs ambiguïtés. Une manifestation est faite pour créer un rapport de force, pour créer les fronts les plus larges et pour clarifier les données du débat public. Sur ces trois plans, la manifestation de ce jour n’a pas rempli ces objectifs.
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