Etendre la déchéance de la nationalité : une brèche dangereuse dans notre droit
Ce jour, le Congrès était réuni pour écouter le Chef de l’Etat suite aux attentats djihadistes qui ont endeuillé notre pays vendredi dernier.
A cette occasion, le Chef de l’Etat a lancé des pistes visant à renforcer la sécurité face aux menaces inédites auxquelles nous sommes confrontés.
Ces annonces seront l’occasion de débats dans les jours et les semaines qui arrivent car il est légitime de jauger l’adéquation entre les mesures de sécurité à adopter et la préservation des libertés individuelles.
Cependant, d’ores et déjà, SOS Racisme s’oppose à la proposition d’étendre la déchéance de nationalité à l’endroit des personnes convaincues de terrorisme.
En effet, l’état actuel du droit permet d’ores et déjà qu’une personne naturalisée française et ayant par ailleurs une autre nationalité puisse être, dans le cas précis évoqué, déchue de sa nationalité jusqu’à 15 ans après sa naturalisation. Cette disposition offre donc d’ores et déjà des moyens d’action étendus en la matière.
Vouloir étendre les possibilités de déchéance ne nous semble ni sensé, ni sans danger.
Cette proposition n’est pas sensée pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que les personnes convaincues de terrorisme sont amenées à faire de très longues peines de prison, ce qui les soustrait de la société et élimine donc pour la période considérée le danger qu’elles représentent pour la société. Ensuite parce que déchoir les personnes de leur nationalité aux fins d’expulsion, imagine-t-on, à l’issue de leur peine de prison, signifierait que des personnes nées françaises et ayant, par leur parent, une autre nationalité, seraient renvoyées dans d’autres pays où elles constitueraient également une menace. Veut-on envoyer des terroristes vers l’Algérie meurtrie par le terrorisme pendant plusieurs années ? Ou vers la Tunisie qui se démène aujourd’hui avec une menace qui est la même que celle que nous connaissons aujourd’hui ?
Cette proposition ne nous semble pas non plus sans danger. Car déchoir une personne née française de sa nationalité, c’est revenir sur un principe fondamental de non-réversibilité de l’état de Français, aux quelques exceptions prévues par la loi qui limite cette possibilité aux seules personnes ayant acquis la nationalité française et donc nées étrangères. Surtout, prévoir un tel cas pour des personnes nées françaises constitue à nos yeux une forme d’artifice. Certes, une personne née française peut avoir une autre nationalité et la déchoir de sa nationalité ne le transformerait pas en apatride. Nous serions formellement dans le respect des conventions internationales signées par la France relatives à l’interdiction de transformer des gens en apatrides. Mais que signifie la nationalité toute théorique acquise via les parents ? Nous le savons tous d’expérience : pas grand-chose.
A l’heure où nous sommes collectivement endeuillés, il faut se garder de céder à l’émotion du moment et de s’engouffrer dans des voies que nous avons toujours combattues, à l’instar de larges pans de la société civile et du monde politique.
SOS Racisme demande donc solennellement au Chef de l’Etat d’abandonner cette piste dangereuse qui sera, demain, utilisée à des fins d’extension sans fin des exceptions au principe de non-réversibilité de l’état français qui domine aujourd’hui notre droit relatif à la nationalité.
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