Caroline Fourest et ONPC : le mauvais procès de Laurent Ruquier
Caroline Fourest ne sera donc plus jamais invitée de l'émission ONPC car, dixit Laurent Ruquier, elle aurait menti en indiquant avoir été lavée d'une accusation de diffamation.
Caroline Fourest ne sera donc plus jamais invitée de l’émission ONPC car, dixit Laurent Ruquier, elle aurait menti en indiquant avoir été lavée d’une accusation de diffamation. Epilogue – provisoire ? – d’une polémique entre Aymeric Caron et Caroline Fourest qui, au milieu de quelques broutilles telles que les migrants mourant en Méditerranée, le résultat des élections britanniques, le raidissement nationaliste de Vladimir Poutine ou les crises burundaise et yéménite, n’a pas été injustement étouffée. Il faut ici saluer le sang-froid et la lucidité de maints internautes qui ne se sont pas laissés divertir par les éléments susmentionnés mais ont su à juste titre conserver toute leur ardeur afin de clouer au pilori Caroline Fourest, érigée en double modèle : celui de la menteuse et celui de l’islamophobe. « Plaisanterie » mise à part, cela m’amène à formuler deux remarques.
Tout d’abord, une remarque sur la réaction de Laurent Ruquier. En effet, si une imprécision- dont Caroline Fourest s’est expliquée – est un mensonge qui vaut exclusion, Laurent Ruquier devrait donc fournir la liste de tous ses invités et chroniqueurs qui ont menti lors de ses émissions en toute connaissance de cause et ont d’ailleurs fait l’objet de « désintox » dans les jours qui suivirent la diffusion de l’émission… sans que cela n’empêche des invitations ultérieures ou ne provoque des déclarations de bannissement. A cet égard, Eric Zemmour, au sujet duquel Laurent Ruquier a exprimé des regrets bien tardifs, a pu pendant des années, souvent sans contradiction, énoncer des mensonges et des analyses à connotation raciste sans que cela ne semble émouvoir outre mesure l’animateur de l’émission, qui a d’ailleurs exprimé son soutien à son ancien chroniqueur à plusieurs reprises lorsque ce dernier était au milieu des tempêtes qu’il avait lui-même soulevées. Rappelons ici que le départ d’Eric Zemmour d’ONPC est notamment la conséquence de la condamnation par la justice obtenue par SOS Racisme pour des propos incitant à la discrimination à l’encontre des personnes d’origine subsaharienne et maghrébine. Alors, je me pose une question : est-il plus grave d’affirmer en tant qu’invité – quand bien même au demeurant ce serait avec la plus entière mauvaise foi – que l’on est lavé d’une condamnation pour diffamation ou alors de tenir des propos racistes récurrents en tant que chroniqueur investi de la légitimité du service public ?
Ensuite, l’altercation entre Caroline Fourest et Aymeric Caron a été l’occasion d’un nouveau déferlement hystérique contre Caroline Fourest sur les réseaux sociaux. Présentée avec délectation comme un personnage antimusulman, le sort réservé à Caroline Fourest me fait étrangement penser à l’effet de meute qui a contribué à faire passer Charlie Hebdo pour un journal raciste alors qu’il fut de tous les combats antiracistes, et notamment celui de la condamnation de la haine envers les musulmans au point de lancer une pétition pour demander la démission d’un ministre de l’Intérieur qui trouvait naguère que « lorsqu’il y en a un ça va, c’est quand il y en a plusieurs que ça pose problème ». Quand je me replonge dans les actions de SOS Racisme, je découvre régulièrement Caroline Fourest à nos côtés. Mobilisation contre les tests ADN que Thierry Marini voulait imposer aux Africains en 2007: présence de Caroline Fourest. Mobilisation contre le discours de Grenoble prononcé par Nicolas Sarkozy en 2010: présence de Caroline Fourest. Mobilisation contre les propos antimusulmans de Claude Guéant en 2011: présence de Caroline Fourest, etc… Sans compter les prises de position de Caroline Fourest contre le Front national où elle est une figure détestée pour avoir pointé la permanence du caractère et des entourages racistes et antisémites sous la présidence de Marine Le Pen. En fait, cette hystérie montre une chose: l’affaiblissement de l’espace du vivre ensemble dont il s’agit de discréditer tous les représentants dans notre pays. Il s’agit bien d’une hystérie tant les prises de position des uns et des autres sont très fréquemment fondées sur l’absence de connaissance des écrits et des prises de position de la personne visée dont il s’agit, quoi qu’elle dise, écrive ou pense, de la renvoyer à un objet de la détestation obligatoire.
J’invite chacun, et notamment les personnes d’origine immigrée, à ne pas tomber dans le piège de ce cercle vicieux. Car lorsque cet espace du vivre ensemble aura été détruit, les conséquences en seront terribles, sauf pour de petites bourgeoisies communautaires qui vendront de l’identité religieuse ou ethnique à des populations définitivement tenues en lisière de la République.
Dominique Sopo, Président de SOS Racisme