Au gouvernement, des jeunes (ou pas), des beaux (ou pas) et des blancs (ou des blancs)
La modernité tant vantée pendant la campagne par Emmanuel Macron se traduit par un recentrage du cœur de l'Etat autour de profils sociaux et ethniques habitués des arcanes du pouvoir.
En 2007, Rachida Dati entrait au Ministère de la Justice. Par cette nomination, la diversité entrait par la grande porte dans un gouvernement, pour la première fois sous la Vème République. Le geste était réédité en 2012 avec la nomination de Christiane Taubira au même poste et de Najat Vallaud-Belkacem, quelques années plus tard, au Ministère de l’Education nationale.
Ces nominations, pour relativement isolées qu’elles aient été, constituaient des risques et des ruptures au sein d’une bourgeoisie d’Etat nageant jusqu’alors dans le cotonneux entre soi dont le pendant était l’exclusion de larges fractions de la société de la représentation politique nationale.
Le premier gouvernement du quinquennat qui s’ouvre constitue sur ce plan une nouvelle rupture mais dans le sens d’une… régression. Aucun ministre majeur issu des immigrations maghrébine et subsaharienne ou des Antilles, voilà une situation qui nous ramène plus de 10 ans en arrière.
Ce gouvernement, qui a certes l’intérêt de présenter quelques visages issus de la société civile, constitue donc une forme de violence symbolique en ce qu’il vient signifier, à ce stade, que les progrès que l’on pensait acquis ne le sont finalement pas. Y compris donc à l’issue d’une phase présidentielle finissante où ces populations auront été malmenées par l’absence de cap en matière d’égalité, par la proposition d’étendre les cas de déchéance de la nationalité ainsi que par une offensive du Front national qui les a placées au bord de l’abîme.
Au-delà, il est étonnant que la modernité tant vantée pendant la campagne par Emmanuel Macron se traduise par un recentrage du cœur de l’Etat autour de profils sociaux et ethniques habitués des arcanes du pouvoir.
Certes, les objections sont connues par avance :
« Mais enfin, un ministre représente l’ensemble du peuple français. Et d’ailleurs, si un jour tous les ministres étaient noirs ou arabes, cela ne nous poserait aucun problème. »
A ceci près que l’on en reparlera le jour où se produira cette hypothèse qu’un minimum d’honnêteté rend parfaitement illusoire. Un peu comme si un héritier Lagardère affirmait que, même s’il devenait SDF et se trouvait privé de tout soutien familial, il serait contre le RSA.
Le signal envoyé ici est d’autant plus dramatique qu’Emmanuel Macron a passé sa campagne à affirmer qu’il associerait les meilleurs, d’où qu’ils viennent, pourvu qu’ils adhèrent à son corpus idéologique, en ouvrant clairement de nouvelles perspectives aux populations susmentionnées. Quelle image se trouve alors renvoyée si ce n’est qu’il n’y aurait pas de talents parmi les populations de fait écartées ?
Le pouvoir hérite d’un pays dans lequel la promotion et la place faite aux personnes issues des immigrations maghrébine et subsaharienne et d’origine domienne constituent des enjeux jusqu’ici largement ratés. Nous pouvions attendre d’une république présidée par un homme qui semblait l’avoir compris d’impulser sur ce plan une nouvelle dynamique, qui aurait contribué à briser des clichés, à donner de la fierté et à se conformer à un idéal d’égalité qui a du mal à se déployer.
Il appartient désormais au Président et au Premier ministre d’envoyer des signaux levant les légitimes inquiétudes que ce gouvernement, par sa composition et par ses intitulés, ne manque déjà pas de faire naître. La France ne se réduit ni à de jeunes hommes blancs, ni à celles et ceux pour qui la mondialisation a été heureuse, ni à celles et ceux pour qui tout va bien dans leur quotidien, ni à celles et ceux qui ne nourrissent aucune angoisse sur l’avenir. Le comprendre ne serait-il pas d’une furieuse modernité ?
Par Dominique SOPO
Président de SOS Racisme
Tribune publiée le 18 mal 2017 dans Le Huffington Post