Second tour des élections législatives : la catastrophe RN, une responsabilité collective
Le second tour de ces élections législatives confirme de la pire des façons les enseignements du premier tour : une abstention massive de nature à minimiser la légitimité des institutions et une percée historique du RN qui, avec environ 90 députés élus à l’issue d’un scrutin majoritaire, donne un visage inquiétant de l’état de notre corps électoral.
Il est également à noter que ce score de l’extrême-droite est le fruit évident – bien que résolument ignoré dans les débats médiatiques – de l’effondrement du front républicain. Ce front, sous des formules diverses, n’a été fermement tenu par aucune des principales familles politiques de notre pays :
– LR, évidemment, depuis longtemps loin des réflexes d’un vote anti-RN. A cet égard, la stratégie naguères impulsée par Nicolas Sarkozy, en rupture avec la période de clarté qu’avait installée Jacques Chirac sur le plan des alliances électorales, produit des effets puissants depuis de nombreuses années au sein d’un électorat travaillé d’ailleurs par des leaders politiques n’hésitant pas à mobiliser les éléments de langage de l’extrême-droite ;
– la NUPES également qui, en se contentant généralement de la consigne « Pas une voix pour l’extrême-droite », n’a pas fait preuve de la clarté que l’on était en droit d’attendre d’une gauche consciente du danger représenté par le camp du crime et de la haine que constitue l’extrême-droite. A vouloir surfer sur les colères en espérant les récupérer sur un malentendu, on contribue à la banalisation de toutes les expressions des colères ;
– la majorité présidentielle, enfin, qui a, ce soir, une immense responsabilité dans le visage défiguré de l’Assemblée nationale. Une responsabilité qui vient de loin, avec les gages donnés à l’extrême-droite sur les 5 dernières années tels que l’illustrent les clins d’œil du président à Philippe de Villiers et à Eric Zemmour, la politique sécuritaire suivie par Gérald Darmanin, les interviews données à Valeurs actuelles, la loi sur le séparatisme ou les polémiques sur l’islamo-gauchisme et le wokisme. Mais une responsabilité qui s’est également manifestée dans les actes de ces dernières semaines : en effet, après avoir demandé de faire barrage à Marine Le Pen lors du second tour de l’élection présidentielle, le camp macroniste s’est lancé dans une très cynique et irresponsable mise en équivalence entre l’extrême-droite, d’un côté, la NUPES, de l’autre. Suivie dans cette ligne par une partie des médias et de la société civile acquise à sa cause, l’actuelle majorité a été l’instrument essentiel de cette présence inédite de l’extrême-droite au sein de l’Assemblée.
Au-delà de ces responsabilités très politiques, ce score du RN appelle les antiracistes à penser les stratégies à adopter face à l’extrême-droite, qu’il s’agisse des stratégies discursives, d’alliances, de formes d’actions ou de propositions. Mais également les stratégies de mobilisation, notamment afin que la jeunesse, massivement abstentionniste, soit présente à tous les rendez-vous du refus de l’extrême-droite et à tous ceux de la promotion d’une France fraternelle et métissée.