Ces derniers jours, plusieurs postulants à la fonction de chef d’Etat ont dit leur crainte de ne pas réunir les 500 parrainages d’élus nécessaires à la validation de leur candidature à l’élection présidentielle.
Cette séquence nous donne depuis lors à voir un spectacle particulièrement pénible : celui des déclarations aux accents graves de responsables politiques indiquant que le système des parrainages ne doit en aucun cas empêcher que puissent se présenter à l’élection présidentielle celles et ceux que les sondages désignent comme les principaux candidats.
Or, le système des 500 parrainages d’élus a été précisément instauré pour éviter les candidatures trop nombreuses et notamment celles de personnes particulièrement indignes de la fonction présidentielle. A cet égard, s’il peut être légitime d’expliquer que le parrainage ne vaut pas soutien partisan, il est mensonger et irresponsable d’expliquer qu’il serait déconnecté de toute considération sur la ligne politique défendue par les candidats.
Ainsi, il est grave de constater que, sur la base des difficultés de plusieurs candidats de gauche à recueillir les parrainages, plusieurs responsables politiques agissent de fait en soutien aux parrainages des candidats d’extrême-droite – Marine Le Pen et Eric Zemmour – dont l’un – Eric Zemmour – milite de plus en plus ouvertement à la remise en cause de la République.
Que cela se fasse par le grossier détour du parrainage apporté à Jean-Luc Mélenchon par le président de l’Association des Maires de France (en insistant lourdement sur une prétendue déconnection entre parrainage et appréciation politique portée sur les candidats) ou par une « banque des parrainages » mise en place par François Bayrou et dont la principale fonction sinon le principal but sera d’aider les candidats d’extrême-droite à obtenir leurs parrainages, il est clair que se dessine une stratégie – fut-elle non coordonnée – d’assistance aux candidats d’extrême-droite.
Ce jour, les 365 élus qui auraient accepté de participer à la « banque des parrainages » se réuniront pour procéder au partage concerté de leurs signatures.
En procédant de la sorte, François Bayrou et les élus qui se préteraient à cette manœuvre viendraient nimber d’une légitimité républicaine des candidats mettant en danger la démocratie et des catégories de gens violemment ciblés dans des discours qui, chez Eric Zemmour, sont souvent des appels à peine camouflés à des passages à l’acte.
Apparemment, pour monsieur Lisnard – en poisson-pilote de son camp politique –, monsieur Bayrou – en poisson-pilote du sien – et tous les élus qui cherchent le moyen d’apporter leurs parrainages à l’extrême-droite en le recouvrant d’un voile de dignité, cela pèse peu devant des motivations que l’on peut imaginer. Motivations idéologiques chez certains. Motivations boutiquières chez d’autres (comment favoriser par ricochet un autre candidat). Motivations de notables enfin (comment ne pas s’alièner un électorat d’extrême-droite pour les futures échéances législatives).
A rebours de ces manœuvres visant à faciliter la participation à l’élection présidentielle de candidats marqués par des propos ou des entourages racistes, antisémites et négationnistes, nous demandons aux élus de ne pas apporter leur soutien aux candidats d’extrême-droite. Les parrainages, cela se mérite. En quoi ces candidats les mériteraient-ils ? Parce qu’ils ciblent les noirs, les Arabes et les musulmans ? Parce que l’un a été condamné à plusieurs reprises pour son racisme ? Parce que l’autre est l’héritière politique d’un parti fondé par d’anciens collaborateurs et partisans de l’Algérie française ? Parce qu’ils veulent remettre en cause le principe d’égalité en réformant, si besoin, la Constitution française ?
Concernant plus particulièrement la « banque des parrainages », SOS Racisme ne manquera pas de demander au Conseil constitutionnel d’étudier la régularité de ces parrainages qui, par leur caractère collectif, pourraient contrevenir aux règles qui entourent le système voulu par le législateur.
En effet, le Conseil constitutionnel rappelait, dans un communiqué de 2012, que « le parrainage d’un candidat est un acte personnel et volontaire qui ne peut donner lieu ni à marchandage, ni à rémunération. Comme le tirage au sort, cela est incompatible avec la dignité des opérations concourant à toute élection. Chaque fois que le Conseil constitutionnel a eu connaissance de tels comportements, il a invalidé les parrainages. »
Que le système des parrainages soit critiquable, incomplet ou insatisfaisant est une chose. Qu’il faille le réformer profondément par l’ajout d’un volet de parrainages citoyens constitue une piste maintes fois évoquée et qui présente d’indéniables intérêts.
Mais l’élection présidentielle de 2022 se fait avec les règles en vigueur en 2022. Des règles qu’aucun candidat ne pouvait ignorer en se lançant dans la course à la présidentielle. Et des règles qu’il n’appartient pas à des responsables politiques aux arrières-pensées peu avouables de contourner au profit de candidats qui concourent à l’élection présidentielle en promettant de frapper des Français et en rêvant d’alliances avec Poutine.
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