Non, les Africains ne sont pas des cobayes !

SOS Racisme s’indigne des propos tenus par deux médecins hier sur LCI qui tombent d’accord à l’antenne sur le projet d’utiliser les Africains comme cobayes pour tester des vaccins contre le virus Covid-19.  L’association a saisi le CSA qui a accusé réception de notre démarche, tout comme elle a pu s’entretenir avec la direction de la chaîne.

 

En effet, hier vers 15h55 en direct sur LCI, le Professeur Locht, directeur de recherche à l’Inserm et le Professeur Mira, chef de service à l’hôpital Cochin, ont échangé sur l’antenne pour tomber tous les deux d’accord sur l’intérêt de prendre les Africains pour cobayes. Ainsi, le Professeur Mira a déclaré : « Si j’étais un peu provocateur, je dirais qu’on pourrait aller faire les tests en Afrique. Ils n’ont pas de masques, pas de traitement, pas de système de réanimation, on peut donc aller tester chez eux… C’est un peu comme quand on teste des vaccins contre le SIDA sur des prostituées car on sait qu’elles ne se protègent pas !« . Quelques instants plus tard, le Professeur Locht précise que des démarches sont en train d’être réalisées pour aller effectuer ces tests en Afrique.

 

Certes, ces propos s’inscrivent dans une séquence bien plus longue où les médecins expliquent que des tests se pratiquent sur d’autres populations et apportent des arguments scientifiques à l’appui de leurs préconisations ou analyses.

 

Cependant, ces propos ne révèlent-ils pas, à l’endroit des corps noirs un mépris, fut-il inconscient et présenté d’un ton badin et gourmand sur le thème de la « provocation » ? Provocation toute coloniale en réalité, tant les arguments avancés pour faire des Africains des cobayes (absence de masque, absence de traitement…) pourraient être très largement avancés pour l’Europe en général et la France en particulier.

 

En outre, la comparaison, strictement réservée aux Africains, avec le SIDA et les prostituées est là encore de nature à interroger cet échange. En effet, la référence aux prostituées est problématique car on sait qu’elle est socialement péjorative (elle ne devrait certes pas l’être mais c’est une autre histoire). Quant à la comparaison avec le Sida, elle est ici particulièrement malvenue car renvoyant à la hantise de la transmission que des catégories marginalisées (prostitué(e)s, personnes LGBT, etc…) faisaient peser sur le reste de la population

 

Dans les circonstances sanitaires actuelles, il est fondamental que l’ensemble des institutions ici concernées – le CSA et les autorités sanitaires – soient d’une extrême fermeté sur la déontologie, qui concerne également la nature des expressions publiques du corps médical. Cette fermeté devrait d’ailleurs être notamment exprimée à l’endroit de ces dispositifs télévisuels qui deviennent des spectacles dans lesquels des médecins – qui cherchent pour certains à devenir des « bons clients » – n’ont finalement pas grand-chose à faire.

 

SOS Racisme attend des institutions concernées ces rappels fermes, de LCI qu’elle revienne sur cette séquence autrement que pour la valider et des deux médecins concernés des excuses.