SOS Racisme a contribué à la montée du racisme? Klugman répond à Finkielkraut
Patrick Klugman, avocat de SOS Racisme, réagit aux propos d'Alain Finkielkraut qui laissait entendre que l'association avait contribué à la montée du racisme.
Cher Alain Finkielkraut,
Dans votre grand réquisitoire contre les « lâchetés d’aujourd’hui » livré dans Le Point la semaine passée, vous attaquez une association qui m’est chère, SOS Racisme, qui ne mérite en rien un tel assaut. Vous ne craignez pas d’affirmer (citant Baudrillard) que le but véritable et caché de l’association serait non pas de combattre, mais bien de sauver le racisme (sic) !
Le retournement sémantique qui consiste à dire que l’on est dépendant de ce que l’on dénonce, s’agissant a fortiori du racisme, est à la fois faux et infamant. Laisseriez-vous écrire qu’Alain Finkielkraut a besoin de Tariq Ramadan ou de Daesh pour exister ?
SOS Racisme a toujours affirmé une ligne républicaine intransigeante : dès les années 90 en pointant la culture de l’excuse des petits « Le Pen de banlieue » ; en 2000 pour alerter sur l’antisémitisme en combattant ceux qui voulaient ensevelir le mal avec le mot. D’Ilan Halimi à Ozar Hatorah en passant par Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, SOS Racisme ne s’est jamais trompé de combat ou de banderole.
Il a systématiquement dénoncé Dieudonné, sa manière d’attaquer des juifs, dont vous, cher Alain, qu’il offre à la vindicte des rires et des menaces. Cette lucidité revendiquée n’a pas conduit le mouvement à abdiquer son universalisme ni à choisir entre Zemmour et Dieudonné, Le Pen et Riposte laïque.
Que Frank Sinatra ait pu reprendre « My Way » à l’ouverture de chaque concert pour ne pas égarer son public, cela peut se comprendre ; qu’un homme politique cède à la facilité pour s’assurer des clientèles électorales, cela s’est déjà vu, mais vous, pourquoi diable entonnez-vous sans cesse cette symphonie que vous savez fausse ? Vous dénoncez une idéologie, dites-vous, mais vous le faites tel un idéologue en sacrifiant l’exigence de la vérité à la pureté du raisonnement.
Dans la France contemporaine, on pourrait craindre que le racisme soit devenu plus populaire que l’antiracisme. Il y a dix ans, pourtant, des propos mal rapportés dans Haaretz sur l’équipe de France vous avaient valu d’être cloué au pilori avec une rare violence. SOS Racisme, en dépit de la pression de l’opinion, n’avait alors rien dit ni fait tant que vous ne vous étiez pas exprimé et a ensuite pris acte de vos excuses et de vos regrets. Il eût été tellement plus facile d’accompagner le mouvement ; en un mot de se comporter à votre égard comme vous le faites aujourd’hui à l’endroit de SOS Racisme.
Sauf qu’aujourd’hui votre attaque est gratuite. Elle contrevient aux lois les plus élémentaires de la vérité, mais encore, et c’est plus grave, à celles de l’élégance.
Je referme ces mots sur une partie maintenant révolue de ma jeunesse où je vous lisais en même temps que je militais à SOS Racisme, sans y voir la moindre contradiction.
Patrick Klugman