24 janvier 1956 : naissance de Matoub Lounès, chanteur, poète, « Algérien, Berbère, et laïc »
A l'âge de neuf ans, il fabrique sa première guitare à partir d'un bidon d'huile de moteur vide, et compose ses premières chansons durant l'adolescence. Sa prise de conscience débute lors de la confrontation armée entre les Kabyles et les forces gouvernementales en 1963-1964. En 1968, le gouvernement algérien introduit une politique d'arabisation dans le système éducatif au détriment du berbère. Matoub réagit en n'allant plus à l'école. Finalement, il quitte le système éducatif et devient autodidacte. En 1978, il émigre en France.
A Paris, Matoub Lounès anime des soirées dans des cafés parisiens fréquentés par la communauté kabyle. C’est là qu’ Idir le remarque et l’aide à enregistrer son premier album, Ay Izem, qui remporte un grand succès. En 1980, il se produit pour la première fois à l’Olympia en plein pendant les évènements du printemps berbère. Il monte alors sur scène habillé d’une tenue militaire pour manifester son soutien aux manifestants kabyles.
Depuis la sortie de son premier album Ay izem (Ô lion), Matoub Lounès célèbre les combattants de l’indépendance et fustige les dirigeants de l’Algérie à qui il reproche d’avoir usurpé le pouvoir et de brider la liberté d’expression. Chef de file du combat pour la reconnaissance de la langue berbère, il est grièvement blessé par un gendarme en octobre 1988. Il raconte sa longue convalescence dans l’album L’Ironie du sort (1989).
Opposé à l’islamisme et au terrorisme islamiste, il condamne l’assassinat d’intellectuels. Il est enlevé le 25 septembre 1994 par le GIA (Groupe Islamique Armée), puis libéré au terme d’une mobilisation de l’opinion publique de la communauté kabyle. La même année, il publie un ouvrage autobiographique « Rebelle » et reçoit le Prix de la mémoire des mains de Danielle Mitterrand.
En 1998, il sort les albums Tabratt i lḥukem et Ilḥeq-d zzher, il y dénonce la lâcheté et la stupidité du pouvoir algérien. Le morceau Tabratt i lḥukem de l’album éponyme, est construite en « kacide » (enchaînement de musiques différentes). Le dernier morceau est une parodie de Kassaman, l’hymne national algérien.
Le 25 juin 1998, il est assassiné sur la route menant de Tizi Ouzou à At Douala en Kabylie à quelques kilomètres de son village natal. Les conditions de ce meurtre n’ont jamais été élucidées, officiellement cet assassinat est attribué au GIA, mais le pouvoir algérien est régulièrement accusé de l’avoir assassiné.
Les funérailles du chanteur drainèrent des centaines de milliers de personnes, tandis que toute la région connait plusieurs semaines d’émeutes.
Cinq rues portant le nom de Matoub Lounès ont été inaugurées en France à sa mémoire : à Paris, Aubervilliers, Saint-Martin, Vaulx-en-Velin et Pierrefitte.
Ce que disait Hocine Aït Ahmed lors de l’assassinat de Matoub Lounes
« Les Kabyles ne se soumettront pas ! »
Je suis consterné et révulsé par cette exécution abominable. On a supprimé un homme emblématique, un homme de conviction. On a endeuillé une famille et toute une région. Le meilleur hommage a lui rendre doit être pacifique et non-violent, un hommage digne parce Matoub Lounès était un homme de dignité. Bien sûr, cet assassinat ne pouvait que déboucher sur une réaction populaire très forte parce qu’il représentait quelque chose de très puissant . Il y avait un rapport magico-mystique entre lui et la population. Et pas seulement avec les kabyles. Une sorte d’attachement à l’artiste qui sait trouver les mots pour exprimer les idées, les sentiments d’une population, de toute une jeunesse. Son désespoir, ses frustrations, son courage. Matoub Lounès, lui aussi, n’avait jamais peur. Ni des islamistes, ni du pouvoir. L’avoir exécuté, c’est vouloir atteindre la région et ceux qui l’habitent, en plein cœur. Je comprend très bien la réaction de la jeunesse. Dégradation sociale, violence, exclusion politique, culturelle…cette région est un véritable baril de poudre et le pouvoir n’a, à l’‘évidence, rien compris aux émeutes d’octobre 88. Quant à l’identité de ses assassins, vous savez la difficulté en Algérie d’identifier les véritables auteurs de la violence. Dimanche, par exemple, à Tazmalt, c’est le maire, chef de la milice, qui a tiré et tué un manifestant. Cette prolifération des seigneurs de la guerre s’ajoute aux activités des groupes para-militaires et crée une situation inextricable. Voilà pourquoi nous avons demandé une commission d’enquête pour mettre fin à l’impunité qui encourage les règlements de compte.