il y a 144 ans la naissance de Charles Péguy…
C'est un esprit fondamentalement libre qui s'éveille ce jour là de 1873 à Orléans. Charles Pierre Péguy nait dans un milieu modeste qui le marquera tout le chemin de l'existence. Un milieu dont il émergera par la puissance de l'éducation nationale mais auquel il restera un fidèle aux valeurs.
Péguy le normalien, qui découvrit et se convertit au socialisme par le professeur de Philosophie et député Jean Jaurès, évoquera dans ses écrits la simplicité, la décence et l’amour du travail bien fait des classes populaires.
Une vision du monde ouvrier et du socialisme qu’on retrouvera plus tard chez un autre écrivain célèbre: Georges Orwell. Un homme qui partagera aussi avec lui l’inquiétude des systèmes totalitaires et de toutes oppressions.
Le socialisme de Péguy, coloré de tons libertaires, est une éthique de libération de l’individu et de destruction de la misère. Une misère qu’il ne se contente pas d’observer de loin: l’intellectuel sera très tôt bénévole à la Mie de Pain, une structure d’aide aux plus démunis.
La Mie de Pain sera d’ailleurs, avec la publication qu’il fondera plus tard, Les Cahiers de la Quinzaine, la seule organisation qui aura réellement grâce aux yeux de Charles Péguy. Le socialisme qui rassemble alors ses différentes chapelles l’inquiète paradoxalement par l’unité qui est en train de s’y former. Une unité où il a peur de voir se diluer la pensée et voit avec inquiétude la vision guesdiste autoritaire prendre de l’influence. Un guedisme qui l’a inquiété lors d’un de ses tous premiers et fondementaux engagements: l’affaire Dreyfus, dont il est et sera l’un des défenseurs les plus passionnés tout au long de sa vie durant.
C’est là où cet homme d’action, fera cette fois un pas de côté. Pour une fois. En refusant de s’engager dans le mouvement politique socialiste. Il lui préférera la création d’une revue pour diffuser ses idées. Un moyen pour trouver un (maigre) moyen de subsistance, continuer le combat des dreyfusards, contribuer à la diffusion de sa vision du socialisme et de la littérature. Et puis du spirituel.
Le spirituel c’est l’une des révolutions intellectuelles de Péguy: devenu un temps athée dans ses jeunes années puis terrifié par un clergé catholique dressé contre Dreyfus et exhalant à l’époque des parfums peu républicains, l’intellectuel se tient loin de la foi, même si il garde semble-t-il quelques inclinaisons mystiques. Et puis c’est, par la lecture, par la pensée, par « un approfondissement du coeur » que Péguy se remet à croire. Une croyance vécue de façon proche de son engagement politique: il est aussi fervent chrétien que pourfendeur de la structure de l’Eglise Catholique et des engagements de ses dignitaires.
Un aspect de sa foi que nombre de ceux qui évoquent sa mémoire ont parfois tendance à vouloir occulter…
Mystique et libertaire, Péguy aurait à coup sûr fait un parfait protestant et ses rapports avec le pasteur Jules-Emile Roberty (voir les archives du bulletin Charles Péguy Numéro 97 (Janvier-Mars 2002) – « Péguy et les protestants » ) montrent qu’il ne méconnaissait pas cette dénomination religieuse alors fortement combattue par une partie de l’extrême-droite. Tout comme, face aux persécutions dont ils sont victimes, Péguy sera toujours un défenseur des juifs.
Un souci d’universel qu’on retrouvera d’ailleurs jusqu’au bout de la vie: ce chrétien libertaire et socialiste s’engagera au front en 1914 au nom de la nécessité de mettre une bonne fois pour toute fin à la guerre et faire triompher la République universelle sur l’Empire. Un conflit où il trouvera la mort très vite. Une mort que certains décrivent comme un soulagement tant Péguy semblait lassé de la vie dans l’année de ses 41 ans…