31 décembre 1908 : naissance de Simon Wiesenthal, chasseur de nazis
Simon Wiesenthal nait dans une famille juive le 31 décembre 1908 à Buczacz (empire austro-hongrois). Son père, un juif russe qui avait fui les pogroms quelques années auparavant, meurt en 1915, comme soldat de l’armée d’Autriche-Hongrie.
Au gré des évènements de la Première guerre mondiale puis de ses études, Wiesenthal a vécu à Buczacz, à Prague en Tchécoslovaquie à Vienne en Autriche et à Lvov en Pologne. Il se trouve dans cette dernière ville en septembre 1939 lorsque la Pologne est envahie par l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique, en vertu du Pacte germano-soviétique. Lvov se trouve alors occupée par les troupes soviétiques. Mais, lorsqu’Hitler décide de rompre le Pacte en envahissant l’URSS en juin 1941 (Opération Barbarossa), Lvov passe sous la coupe de l’armée du Troisième Reich.
La vie en suspens
La répression antisémite y est d’emblée terrible. Simon Wiesenthal et les juifs sont affectés à des travaux forcés (notamment, la construction du ghetto de Lvov !) et des milliers de juifs sont assassinés par les nazis et leurs supplétifs ukrainiens. Bientôt, les déportations commencent. Sa femme est envoyée dans des camps de travail de la région de Varsovie (elle survivra et le couple se reformera après la fin de la guerre) tandis que sa mère raflée en août 1942 disparaîtra dans le camp d’extermination de Belzec. Dans ce contexte de violences génocidaires, Wiesenthal parvient en octobre 1943 à s’échapper du camp de travail de Janowska. Caché dans un appartement de Lvov, il est finalement arrêté en juin 1944 et renvoyé dans ce qui restait du camp de Janowska (dont l’essentiel avait été démantelé quelques mois auparavant). Face à l’avancée de l’armée soviétique, les nazis emmènent leurs prisonniers de camps en camps dans de « terribles marches de la mort » ou dans des transports mécanisés lorsque ces derniers sont encore disponibles. La dernière destination de Wiesenthal sera Mathausen (Autriche) où il arrive en février 1945. Wiesenthal sera finalement libéré par l’armée américaine le 5 mai 1945. Il pèse alors à peine plus de 40 kg. D’emblée, Wiesenthal aide les services américains à dresser des listes de criminels de guerre nazis et à les identifier. En février 1947, il participe à la fondation à Linz (Autriche) d’un centre de documentation (recueil des témoignages de déportés), qui fermera du fait du manque de volonté des alliés de poursuivre le travail de dénazification, l’enjeu politique de l’époque se centrant désormais sur la Guerre froide et les alliances à nouer dans ce nouveau cadre géopolitique.
Le survivant de la Shoah se fait chasseur de nazis
Mais Simon Wiesenthal, qui a perdu des dizaines de membres de sa famille pendant la Shoah, a trouvé le but de sa vie et ne cessera plus de rechercher les responsables de l’extermination des Juifs qui n’ont pas été jugés à l’issue de la Seconde guerre mondiale. C’est ainsi qu’il restera dans l’histoire comme l’un des plus célèbres chasseurs de nazis, à l’instar des époux Klarsfeld ou d’Efraim Zuroff. La traque est d’autant plus compliquée que les anciens tortionnaires et responsables politiques du Troisième Reich bénéficient de filières d’évasion vers le Proche-Orient et surtout l’Amérique du Sud où, avec la complicité de régimes aux sympathies fascisantes, ils vivent sous de nouvelles identités. Wiesenthal, qui accepte par ailleurs la fondation en 1977 de centre Simon Wiesenthal, collecte infatigablement une documentation unique, constitue des dossiers, une base de données impressionnante au regard des moyens de l’époque, qui permettra de mener à terme plusieurs dossiers, c’est-à-dire qui vont permettre de traduire plusieurs nazis en justice. Simon Wiesenthal a pu jouer un rôle dans l’arrestation d’Adolf Eichmann en ayant indiqué en 1954 qu’il se trouvait à Buenos Aires (comme l’indication ne fut alors pas prise au sérieux, certains doutent que cette information ait pu jouer un rôle dans l’arrestation d’Eichmann). Capturé en 1960 à Buenos Aires par les services secrets israéliens, Eichmann sera jugé à Jérusalem au cours d’un procès historique. Condamné à mort notamment pour avoir été le responsable de la logistique de la Shoah, il sera pendu en 1962.
Simon Wiesenthal permettra également de faire arrêter : Erich Rajakowitsch, responsable de la déportation des juifs de Hollande, Franz Murer, le commandant du ghetto de Vilnius. Ainsi que Franz Stangl, qui après avoir été directeur du sinistre centre d’euthanasie du château de Hartheim où furent tués plus de 18000 handicapés mentaux ou physiques, dirigera, à partir de février 1942, le camp d’extermination de Sobibor puis, à partir d’août 1942, celui de Treblinka. Un parcours qui fait de Stangl le principal responsable de la mort de près de 900000 déportés! Arrêté à Sao Paolo le 28 février 1967 et extradé en Allemagne de l’Ouest le 22 juin, Stangl fut condamné à la prison à perpétuité mais mourut d’une crise cardiaque six mois plus tard en juin 1971.
L’implication de Simon Wiesenthal est également reconnue dans la traque sans succès d’une des plus funestes figures de l’horreur nazie, celle de Josef Mengele. Médecin militaire affecté au camp d’Auschwitz à partir de 1943, il mena de tristement célèbres expérimentations médicales sur les Juifs et les Tsiganes détenus dans le camp, en particulier sur les femmes et les enfants. Bien que Wiesenthal ait pris quelques libertés prises avec la réalité (il a produit des récits comportant des divergences sur sa vie d’avant 1945) et ait initialement pris la défense de Kurt Waldheim (président autrichien accusé pour son passé nazi et que Wiesenthal exonéra dans un premier temps de toute responsabilité), il reste l’archétype du chasseur de nazis.
Le Centre Simon Wiesenthal aujourd’hui
Le centre Simon Wiesenthal œuvre toujours à la préservation de la mémoire de la Shoah et travaille sur les questions de racisme, d’antisémitisme, de terrorisme et les questions mémorielles de génocide, notamment auprès des rescapés des Tutsi du Rwanda et des descendants des rescapés du génocide arménien. En plus de son siège situé à Los Angeles, le Centre Simon Wiesenthal dispose de bureaux situés à New York, Miami, Toronto, Jérusalem, Paris et Buenos Aires. La section française est dirigée par le directeur international Shimon Samuels ainsi que par Richard Odier.
En juillet 2012, le centre Simon Wiesenthal participe à l’arrestation de Laszlo Csatary à Budapest. Cet ancien nazi est accusé et vraisemblablement responsable de la mort de 15700 juifs pendant la seconde guerre mondiale. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre de l’opération « de la dernière chance » lancée par le centre en 2002. Cette opération a pour but de tenter d’arrêter les criminels nazis encore en vie avant que ces derniers ne disparaissent.