30 PROPOSITIONS DE SOS RACISME POUR UNE SOCIETE PLUS EGALITAIRE ET FRATERNELLE.

I. Un État exigeant pour lui-même

Police

  1. Sur le modèle de la commission McPherson mise en place en 1997 en Grande-Bretagne, installation d’une commission indépendante chargée, sous les 6 mois, de faire des préconisations publiques de réformes visant à lutter contre le racisme au sein des forces de l’ordre, à revoir la philosophie d’engagement de la force publique et, plus généralement, à assainir les relations entre les forces de l’ordre et la population, en s’intéressant notamment au sous-encadrement des agents de police et aux règles – aujourd’hui trop souples – permettant de pratiquer des contrôles d’identité.

Sans attendre les conclusions de ladite commission :

  1. Instauration d’un récépissé de contrôle. En renseignant le motif et la base légale du contrôle, ce récépissé marquera un double progrès démocratique: il contribuera à limiter le contrôle au faciès et permettra l’exercice effectif de recours contre d’éventuels contrôles abusifs.
  2. Concernant les fonctionnaires de police et de gendarmerie, les enquêtes administratives liées à des plaintes de citoyens ne doivent plus être du ressort de l’IGPN et de l’IGGN, inspections largement décrédibilisées dès lors qu’il s’agit d’enquêtes relevant de la relation entre des membres des forces de l’ordre et des citoyens. Hors du giron du ministère de l’Intérieur, une inspection ad hoc, formée de personnalités qualifiées, de magistrats et éventuellement d’un représentant du ministère de l’Intérieur, doit avoir la responsabilité exclusive de ces enquêtes. Cette inspection devrait également pouvoir connaître, sur la demande du plaignant, de toute autre situation relevant habituellement de l’IGPN et de l’IGGN (exemple: un policier demandant une enquête administrative à l’endroit d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique pour des faits de harcèlement sexuel ou de comportements racistes…).
  3. Mise en place d’un mécanisme de transmission automatique au Défenseur des droits des affaires d’usage excessif de la force par les agents dépositaires de l’autorité publique ainsi que des affaires de discrimination. Ce mécanisme vise à permettre au Défenseur des droits de s’autosaisir systématiquement des affaires relevant de son mandat.
  4. Suite aux témoignages publics de fonctionnaires de police et de gendarmerie, réalisation d’une enquête auprès de ces deux corps afin de recueillir le ressenti du racisme subi par des fonctionnaires de la part de leurs collègues.

Construire une chaîne pénale efficiente

  1. Mise en place de brigades de lutte contre le racisme et les discriminations raciales au sein des unités d’investigation des commissariats (éventuellement des commissariats de district), des gendarmeries et de chaque SRPJ. Les membres de ces brigades doivent être dotés d’une solide formation.
  2. Mise en place effective dans chaque parquet de référents sur la lutte contre le racisme et les discriminations raciales. Ces référents, substituts du procureur, doivent être dotés d’une solide formation.
  3. Au-delà de ces personnels spécialisés, renforcement, au sein de la police, de la gendarmerie et de la magistrature, des formations sur le racisme et les discriminations raciales.
  4. Automaticité de l’inscription du motif aggravant de racisme dans toute procédure judiciaire si la victime en fait la demande ou évoque la dimension raciste du délit ou du crime allégué. Il appartiendra ensuite au Parquet ou au juge d’instruction d’abandonner ce motif si rien ne venait le sous-tendre dans l’enquête.

Fonction publique

  1. Rappel par circulaire pour tous les agents de la fonction publique de leur responsabilité dans la prévention et la lutte contre les comportements racistes.
  2. Ajout de mentions explicites dédiées à la lutte contre le racisme dans le code de déontologie des agents de la fonction publique.

Politique pénale

  1. Mise en place d’une commission de réflexion sur le traitement pénal des drogues. En effet, il n’est pas possible d’avoir une politique pénale inapte à agir sur la consommation et génératrice d’une activité de facto criminelle dont nul n’ignore qu’elle est source, notamment dans les quartiers populaires, de confrontations, de tensions, de carrières délinquantes…

II. Un État exigeant envers les grands acteurs de la vie quotidienne

Emploi

  1. Au sein des CSE de chaque entreprise, nomination de référents aux questions de racisme, sur le modèle des référents au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018).
  2. Formation obligatoire des agents de l’Inspection du travail à la question des discriminations raciales et des propos et comportements racistes.
  3. Concernant l’article 214 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, élaboration d’un décret précisant les modalités d’élaboration et de mise en oeuvre des formations à la non-discrimination (obligations d’élaborer ces formations en concertation avec les syndicats et les associations, d’y inclure une partie dédiée à la déconstruction des préjugés et des stéréotypes, de les mettre en oeuvre en présentiel…)
  4. Elargissement des personnels concernés par l’article 214 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017: rendre obligatoire au sein des trois fonctions publiques et dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés la formation à la non-discrimination et à la déconstruction des préjugés pour tous les employés en situation de recruter, d’évaluer, de manager et pour toutes les personnes en contact du public.
  5. Extension de la possibilité pour les juges de restreindre ou d’interdire l’accès aux marchés publics aux entreprises condamnées pour discriminations raciales à l’embauche ou au déroulement de carrière et qui ne pourraient pas apporter la preuve d’une politique interne de lutte contre les discriminations raciales.
  6. Création d’un fonds d’aide à l’entreprenariat en direction des habitants des quartiers populaires. Ce fonds, correctement doté, doit s’appuyer sur la mise en place d’un guichet unique identifié et résultant de la fusion des dispositifs connexes à la création d’entreprises et aujourd’hui fréquemment éparpillés (BPI, CAF, ADIE, chambres de commerce…): l’apport en capital bien évidemment, mais également la garantie de prêt, les conseils, l’aide à la gestion et au suivi comptable.

Logement

  1. Extension de l’obligation de formation des dirigeants d’agences immobilières à l’ensemble des professionnels de l’immobilier concernant la lutte contre les discriminations raciales. Ces formations, élaborées dans leur contenu comme dans leurs modalités en concertation avec les acteurs associatifs, devront nécessairement être réalisées en présentiel et aborder la question du rôle des préjugés et des stéréotypes dans les mécanismes discriminatoires.
  2. Pour les sites internet des agences immobilières et des plateformes de mise en relation directe des propriétaires et des locataires, obligation d’information des utilisateurs au droit à la non-discrimination ainsi que mise en place d’un dispositif de signalement.

Médias

  1. Sur la base du constat de la totale impunité dont bénéficie aujourd’hui la chaîne CNews, mise en place d’une procédure permettant de retirer à des médias audiovisuels leur droit d’émettre en cas de violations graves et/ou répétées de la convention qui les lie à l’ARCOM.

III. Un État qui aide à renseigner le réel

Recherche

  1. Financement par l’Etat de testings d’évaluation des pratiques discriminatoires dans le domaine de l’immobilier et de l’emploi afin de vérifier l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre dans ces domaines.
  2. Au-delà des testings permettant les évaluations susmentionnées, financement des études permettant de mieux comprendre les discriminations raciales, notamment par la création d’un fond doté annuellement d’un million d’euros et dédié au financement d’études quantitatives et qualitatives réalisées par des chercheurs et des associations.

IV. Un État qui contribue à apaiser les grandes passions historiques

Symboles et figures

  1. En concertation avec les collectivités locales, diversification des figures représentées dans l’espace public et travail sur les représentations de figures porteuses de l’Histoire du racisme, de l’antisémitisme ou de l’esclavage (ajout d’explications, changement de noms de certaines rues, à l’exemple de l’avenue Bugeaud à Paris…).

Histoire

  1. Edification effective d’un “Mémorial national des victimes de l’esclavage” au Jardin des Tuileries et création d’un musée de l’Histoire de l’esclavage au sein de l’Hôtel de la Marine à Paris.

V. Un État qui croit en sa jeunesse

Education

  1. Pour tout élève, financement par l’Etat de séjours linguistiques, culturels ou de découverte (de 6 à 8 jours): pour les établissements ZEP, 1 séjour en maternelle, 3 séjours en primaire et 4 séjours au collège. Pour les établissements hors-ZEP: 1 séjour en primaire et 2 séjours au collège. Pour les lycées, il s’agirait de garantir 2 séjours pour les lycées professionnels et 1 séjour pour les lycées généraux et technologiques. Ces financements ne doivent en aucun cas mettre en péril ceux déjà existants sur les séjours et activités artistiques et culturelles.

Enseignement supérieur

  1. Dans toutes les formations supérieures ouvrant la voie à des carrières professionnelles en lien avec le management, intégration obligatoire de modules dédiés à la lutte contre le sexisme, le racisme, l’homophobie, à la prévention des discriminations et à la déconstruction des préjugés. Sont notamment concernées les formations dispensées par les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs, les IEP, les écoles de la fonction publique…

Mémoires

  1. Sur le modèle de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse et du RYCO (Regional Youth Cooperation Office) dans les Balkans, création d’un Office Franco-Algérien de la Jeunesse qui serait une structure publique indépendante, paritaire et dotée de financements appropriés.

L’objectif principal de l’OFAJ serait de mobiliser des jeunes Français et Algériens autour de projets communs favorisant la compréhension de l’Histoire qui lie l’Algérie et la France, la rencontre des cultures ainsi que la lutte contre les haines qui peuvent circuler entre les deux rives de la Méditerranée. Les actions et les projets menés en partenariat ou sous l’égide de l’OFAJ viseraient ainsi, entre autres, à développer des espaces et des moments d’échanges, à proposer des outils et des cadres pour mieux connaître et comprendre notre Histoire commune longtemps marquée par un rapport colonial, à renforcer la coopération franco-algérienne, à encourager la coopération artistique, culturelle, entrepreneuriale et sportive et, enfin, à lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

VI. Un État qui fait progresser la citoyenneté

Citoyenneté

  1. Depuis le vote du Sénat du 8 décembre 2011, les deux chambres ont adopté un projet de révision constitutionnelle ouvrant la voie au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Il appartient à l’Etat d’achever ce processus afin de rendre ce droit effectif.
  2. Régularisation des travailleurs sans-papiers, abandon de la politique répressive en matière d’immigration et garantie d’un traitement des personnes migrantes qui soit respectueux de leurs droits humains.