29 décembre 1890 : Le massacre de Wounded knee et la fin des « guerres indiennes »
Depuis l’installation d’Européens en Amérique du Nord, les rapports entre les Amérindiens et les colons sont faits d’alliances et de heurts. La pression sur les Amérindiens s’intensifie durant tout le courant du 18ème siècle, à mesure que les Européens cherchent à étendre leurs territoires.
Les « guerres indiennes » ou la longue spoliation des Amérindiens
A partir de l’indépendance des Etats-Unis (1776) débutent ce que l’Histoire retient sous le vocable de «guerres indiennes», à savoir la lutte entre les Etats-Unis et les Amérindiens. Les décennies qui suivent voient les Amérindiens perdre progressivement leurs territoires et leur puissance. Il faut dire que l’hécatombe démographique constitue à elle seule un facteur spectaculaire d’affaiblissement. De 10 millions au début du 15ème siècle, les Amérindiens d’Amérique du Nord ne sont plus que 250.000 à la fin du 19ème siècle. En cause : les épidémies – les colons européens amènent des maladies contre lesquelles les Amérindiens ne sont pas immunisés telles que la variole – mais également les famines consécutives au recul du nombre de bisons qui fournissaient une part substantielle de la nourriture des Amérindiens. En effet, chassés pour leur nourriture et leur fourrure, les bisons le sont d’autant plus à partir de la construction des lignes de chemin de fer essentielles au développement de la société étatsunienne. Les bisons servent en effet à nourrir les ouvriers construisant les lignes en question. Résultat : le nombre de bisons passe de plus de 60 millions à moins de 1000 durant le 19ème siècle.
Malgré quelques défaites infligées aux troupes américaines, les Amérindiens perdent donc de plus en plus de territoires au profit des Etatsuniens lancés dans la course vers l’Ouest. Les traités signés après les défaites militaires subies par les Amérindiens conduisent bientôt à des politiques de déportations « consenties » vers des réserves. Une fois les tribus réduites à vivre dans des réserves, les traités qui leur assuraient la possession de ces terres sont systématiquement violés et constamment renégociés au désavantage des Amérindiens.
Il faut dire que la politique des autorités étatsuniennes est dominée par deux constantes : permettre aux colons de s’accaparer des territoires au détriment des Amérindiens et détruire le mode de vie de ces derniers en les amenant, par la persuasion ou par la force, à adopter un mode de vie « civilisé ». Delaware, Iroquois, Shawnees, Outaouais, Miamis, Cherokees, Séminoles, Creeks, Sauks, Apaches, Nez-Percés, Navajos…: autant de tribus qui, sous la contrainte, doivent céder leur territoire et accepter d’être réduits à vivre dans des réserves.
La résistance des Sioux
Le dernier acte de cette confrontation se déroule avec l’une des dernières tribus à disposer d’une puissance guerrière suffisante : les Sioux, installés dans les Grandes Plaines, du Missouri jusqu’à la frontière canadienne. En 1868, suite à une guerre menée par le chef sioux Red Cloud (« Guerre de Red Cloud »), le traité de Fort Laramie assure aux Sioux leur maintien sur un vaste territoire. Comme tous les autres traités, ce traité est bientôt violé par les Etats-Unis. La guerre reprend. C’est la « guerre des Black Hills », du nom de ces terres sacrées pour les Sioux et qui sont l’enjeu du conflit. L’épisode le plus célèbre de cette guerre est la bataille de Little Big Horn (Montana). Les chefs sioux Crazy Horse et Sitting Bull, alliés aux Cheyennes et aux Arapahos, y infligent une lourde défaite à l’armée des Etats-Unis, les 25 et 26 juin 1876.
Mais, en 1877, face à la puissance de l’armée américaine, Crazy Horse se rend et doit accepter de gagner une réserve (il sera tué quelques mois plus tard dans des circonstances troubles), tandis que Sitting Bull doit s’enfuir au Canada. Au final, les Sioux doivent accepter de céder les Black Hills, d’autant que les Etats-Unis emploient une menace qui a déjà fait ses preuves avec d’autres tribus : la baisse des rations alimentaires dont dépendent de plus en plus les Amérindiens, touchés de plein fouet par la quasi-disparition du bison.
Le massacre de Wounded Knee
En 1880, Sitting Bull rentre du Canada et se rend aux autorités américaines. Après 2 ans de prison, il est conduit à la réserve de Great River (Dakota). En 1890, les Etats-Unis veulent mettre un terme à l’existence de la grande réserve sioux du Dakota du Sud et décident de diminuer les rations alimentaires. Se répand alors parmi les Sioux affamés et humiliés la « Ghost dance » (danse des esprits). Les danses avaient pour objectif de favoriser l’arrivée d’un sauveur de la cause amérindienne. Sitting Bull, qui reste farouchement attaché au mode de vie amérindien, soutient les danseurs, même s’il n’adhère pas à ce mouvement syncrétique, mêlant les croyances amérindiennes et le christianisme. Inquiètes de cette manifestation d’une forme de résistance, les autorités américaines ordonnent l’arrestation de Sitting Bull. Le 15 décembre 1890, 43 policiers amérindiens encerclent sa maison. Résistant à cette arrestation, Sitting Bull est tué par un de ces policiers (le sioux Bull Head). Dans la bagarre, son fils Crow Foot perd également la vie. Effrayés, plusieurs centaines de Sioux rejoignent le village du chef sioux Big Foot. Les autorités américaines veulent l’arrêter à son tour mais temporisent, Big Foot ayant une réputation de pacifiste. Cependant, Big Foot et les siens décident de faire mouvement en direction du chef Red Cloud (conséquence de l’arrivée de nombreux soldats à proximité de leur village ? Volonté de se regrouper pour mieux affronter les rigueurs de l’hiver ?). Les autorités américaines analysent ce mouvement comme une possible volonté de rejoindre le bastion des « Ghost dancers » dans les Bad Lands. Elles décident alors d’intercepter Big Foot et les siens.
Ces derniers sont rejoints par l’armée américaine le 28 décembre 1890. Sous bonne garde de l’armée, ils passent la nuit dans un campement à Wounded Knee Creek. Le lendemain, les soldats américains sont plus nombreux et des canons, amenés pendant la nuit, sont pointés sur le campement. Avant qu’ils ne soient transférés vers un camp militaire dans le Nebraska, les Indiens doivent être désarmés. C’est au cours de cette opération qu’un coup de feu éclate et qu’une fusillade générale s’en suit. Les soldats (qui appartiennent à la compagnie massacrée 14 ans plus tôt à Little Big Horn) ont rapidement le dessus sur les hommes Sioux tandis que les canons tirent sur les tentes où sont regroupés les femmes et les enfants. Du côté Sioux, c’est le massacre : Big Foot ainsi que 83 hommes, 44 femmes et 18 enfants perdent la vie (bilan officiel).
Le massacre de Wounded Knee vient clore le chapitre des « guerres indiennes ». Cette date est refoulée dans la mémoire américaine tandis qu’elle est un élément majeur de la mémoire des Amérindiens qui demandent toujours que soit officiellement reconnue l’existence d’un massacre. C’est d’ailleurs en février 1973 qu’apparaît sur ces lieux un des signes du renouveau amérindien aux Etats-Unis. Des Sioux de l’American Indian Movement occupent alors le village de Wounded Knee pour que leurs terres et leurs droits soient reconnus. Les autorités fédérales établissent un siège qui dure plusieurs semaines et qui se conclut par une paix entre les deux parties.
Aujourd’hui, une partie des Amérindiens continuent de militer pour leurs droits et pour la préservation de leur mode de vie et de leur culture.