28 décembre 1885 : Fondation du Congrès national indien
Secouée en 1857 par la révolte des Cipayes, la très puissante Compagnie des Indes Orientales, à laquelle la couronne britannique avait délégué la conquête et la gestion de l’Inde, perd dans la foulée sa délégation. Désormais, l’Inde passe sous l’autorité directe de la couronne britannique. Victoria, la reine du Royaume-Uni, devient impératrice des Indes en 1877 tandis qu’un vice-roi la représente à Dehli.
Fruit du ressentiment des soldats indigènes (les Cipayes) et de la population face aux impôts et aux réformes impulsées par la Compagnie, la révolte des Cipayes amène la Couronne à intégrer les Indiens dans l’armée, la justice et l’administration, à favoriser l’émergence d’une élite occidentalisée et à unifier le droit sur l’ensemble du territoire. En outre, la Couronne cherche un interlocuteur représentatif des populations indiennes. C’est ainsi que le pouvoir britannique impulse la création du Congrès national indien ce 28 décembre 1885.
L’émergence de l’idée d’indépendance
Composé essentiellement des élites hindoues occidentalisées, le Congrès est très légaliste et ne réclame en aucun cas l’indépendance. En 1906, le Congrès réclame pour la première fois l’autonomie interne. Durant la première guerre mondiale, le loyalisme des Indiens amène la Couronne britannique à leur promettre cette autonomie. Mais, la guerre finie, les Britanniques ne respectent pas cette promesse. Si en 1919, une nouvelle Constitution permet une meilleure représentation des populations indiennes au sein des assemblées législatives, la réalité du pouvoir exécutif reste entre les mains des Britanniques. Le régime d’autonomie qui commence alors à être accordé aux dominions blancs d’Australie et du Canada est donc de facto refusé aux Indiens. Conséquence : le mahatma Gandhi, devenu un des leaders du Congrès et fidèle à sa logique de non-violence et de désobéissance civile, appelle les Indiens à cesser de travailler et à se rassembler (ce que les lois coloniales interdisent) le 6 avril 1919, dans un contexte où les manifestations, les grèves et les boycotts des produits britanniques se développent. A Amritsar, c’est le massacre : l’armée britannique tire sur une foule pacifique, faisant des centaines de morts et des milliers de blessés.
La rupture entre les élites indiennes et les colonisateurs est consommée. Les revendications indépendantistes deviennent désormais l’horizon du mouvement nationaliste indien.
Les années qui suivent sont caractérisées par l’élargissement de la représentation indienne au sein des assemblées mais également par des manifestations constantes liées au refus britannique d’accorder une réelle autonomie à l’Inde. Cette situation aboutit à la célèbre « marche du sel » menée par Gandhi entre le 12 mars et le 6 avril 1930. Arrivé sur les bords de l’Océan indien, Gandhi prend de l’eau entre ses mains, indiquant par ce geste qu’il appelle les Indiens à défier l’interdiction qui leur est faite par le colonisateur de récolter le sel (ce qui se traduit donc par l’obligation de payer au colonisateur un impôt sur cette denrée). Après une tentative de répression de cette désobéissance civile largement pratiquée à travers l’Inde, le pouvoir britannique, bien qu’ayant mis le Mahatma en prison, finit par céder. En Grande-Bretagne, une part grandissante de la classe politique comprend que la marche vers l’indépendance est inéluctable. Gandhi est même invité à une table ronde à Londres en 1931. Mais l’indépendance est retardée par des problèmes qu’il reste à régler, notamment les tensions grandissantes entre Hindous et musulmans.
La renaissance hindoue et les relations interconfessionnelles
La fondation du Congrès national indien représente également une « renaissance hindoue ». En effet, si l’Inde est très majoritairement composée d’Hindous, elle est dominée par les princes musulmans depuis plusieurs siècles, ce que manifeste d’ailleurs avec éclat l’installation de la dynastie Moghole en 1526, qui dominera l’Inde jusqu’à l’arrivée des Britanniques et qui disparaîtra officiellement en 1877 avec le transfert de la légitimité monarchique à la reine Victoria. En affaiblissant la dynastie musulmane des Moghols, la Grande-Bretagne contribue à la ré-émergence d’une identité hindoue. Si les hindous et les musulmans se retrouvent tous au sein du Congrès, progressivement, des dissensions apparaissent. Minoritaires, les musulmans craignent que l’indépendance se fasse à leur détriment. Si Gandhi se montre favorable à ce que l’Inde indépendante puisse disposer de collèges électoraux séparés entre Hindous et musulmans (ce qui assurerait une représentation permanente aux 25% de musulmans), Nehru, qui devient l’homme fort du Congrès à partir du milieu des années 20, y est clairement hostile.
La ligue musulmane, fondée dès 1906, devient progressivement l’outil politique de la défense des intérêts des musulmans. Sous l’impulsion de Mohamed Al Jinnah, alors dirigeant de la Ligue musulmane, la revendication de la création d’un Pakistan pour les musulmans devient une revendication majoritaire chez les élites musulmanes à partir de la fin des années 30, notamment lorsqu’il est constaté que le Congrès ne désirera pas partager le pouvoir avec la Ligue musulmane. Nehru, moderniste et socialisant, ne peut concevoir un modèle de gouvernance fondé sur des alliances confessionnelles. Parallèlement, Al Jinnah, un laïc élégant et qui ne méprise pas les plaisirs de la vie, mobilise la ressource confessionnelle comme fondement au projet nationaliste porté par la minorité musulmane.
Le 15 août 1947, l’indépendance de l’Inde est acquise mais au prix d’une partition faite de déplacements de populations et de violences entre une Inde hindoue et un Pakistan musulman. Le Congrès prend alors le pouvoir en Inde, sous la houlette de Nehru, qui restera Premier ministre de 1947 à 1964. Quant à Gandhi, il ne participe pas aux festivités de l’indépendance. S’il a donné son accord à la partition, c’est pour éviter une Guerre civile entre hindous et musulmans. Mais il ne l’accepte pas et se montre préoccupé des violences interconfessionnelles qui déchirent alors le pays. il est assassiné le 30 janvier 1948 par un nationaliste hindou qui lui reprochait d’avoir donné son accord à la partition et donc d’avoir affaibli l’Inde.