«Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute»

Devant la montée des racismes, les principales associations antiracistes ont obtenu que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme soit érigée «grande cause nationale 2015».

L’année 2015 fut une année terrible pour notre société. Touchée par des attentats en janvier, elle l’a été à nouveau le mois dernier, suite à la sanglante chevauchée de terroristes se réclamant d’un islam dévoyé et trahi pour frapper de mort la jeunesse parisienne. Le but des terroristes était clair et fut d’ailleurs théorisé il y a déjà plusieurs années : provoquer, par ces actes macabres, la montée des tensions au sein de la société française et entraîner un cycle de haines et de vengeances entre les musulmans et les non-musulmans.

Quelques années plus tôt, une telle entreprise aurait presque prêté à sourire tant elle serait apparue frappée du sceau de l’inanité. Mais, dans la France de 2015, ce sont celles et ceux – en tant qu’individus, responsables politiques ou «intellectuels» – dont le projet est d’instiller les germes de la haine qui semblent avoir le vent en poupe.

Dans notre pays, travaillé par les mauvaises passions du racisme et de l’antisémitisme, une ministre peut être comparée à une guenon du fait de sa couleur noire, les Roms peuvent être maltraités par les mots et par les actes en une quasi-impunité, les musulmans peuvent se trouver réduits régulièrement à la catégorie des terroristes présents ou à venir, les immigrés et leurs enfants peuvent être frappés de ce discours invasif de la «remigration» qui les promet à une expulsion massive, les juifs peuvent même voir leurs enfants tués dans des écoles et les magasins qu’ils fréquentent, attaqués à l’arme de guerre.

La France a souvent été travaillée par des propos de haine et des actes de racisme. Mais ces propos et ces actes provoquaient l’indignation de la majorité et disqualifiaient leurs auteurs. La dynamique actuelle est celle de l’inversion de cet heureux état d’une société qui se caractérisait par un vivre-ensemble intégrant l’ensemble de ses enfants, quelles que fussent leur couleur de peau, leur religion ou leur origine.

C’est à partir de ce constat que les associations antiracistes que nous représentons ont sollicité que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme soit érigée «grande cause nationale en 2015». Demande à laquelle le gouvernement a répondu favorablement.

La campagne de spots, qui sont diffusés depuis samedi 28 novembre sur les chaînes de télévision et dans les salles de cinéma, vise à remobiliser l’ensemble des citoyens sur cette lutte essentielle à la construction et à la projection vers l’avenir de notre société. Vivre en société démocratique ne nécessite pas simplement des mécanismes institutionnels. Car la démocratie ne peut être que la loi de la majorité. Vivre en société nécessite la capacité de chaque citoyen à faire preuve d’empathie vis-à-vis de la souffrance de l’Autre et de volonté de faire cesser cette dernière.

Le grand écrivain Lamartine exprimait cette disposition d’esprit par une phrase que nous avons reprise comme slogan de la campagne : «Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute».

C’est de cet esprit que chaque citoyen est amené à s’inspirer afin de construire une France fraternelle, une France qui tourne le dos aux replis identitaires, une France composée d’hommes et de femmes capables, ensemble, de rêver et de bâtir un avenir plein de promesses.

 

www.liberation.fr/france/2015/12/09/je-suis-de-la-couleur-de-ceux-qu-on-persecute_1419570

 

Par :

Dominique Sopo, Président de SOS Racisme

Alain Jakubowicz, Président de la Ligue internationale de lutte contre le racisme et l’antisémitisme

Renée Le Mignot, Jean-Claude Dulieu, Augustin Grosdoy, Coprésidents du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples

Françoise Dumont et Pierre Tartakowsky, Présidente et président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme

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