Maintien de la déchéance de la nationalité dans le projet de loi de réforme de la Constitution : une faute du pouvoir

C’est avec stupéfaction que SOS Racisme apprend que l’extension des possibilités de déchéance de la nationalité a été maintenue dans le projet de loi de réforme de la Constitution présenté ce matin en conseil des ministres.

En effet, cette mesure – réservée aux seuls binationaux puisque la France ne peut pas rendre d’individus apatrides – est inefficace, dangereuse et symboliquement catastrophique.

Inefficace – ce dont nul ne doute – puisqu’elle ne peut en aucun cas avoir d’effet dissuasif sur une personne capable de mener des attentats au nom d’une idéologie destructrice telle que le djihadisme.

Dangereuse car elle ouvre une potentielle dynamique d’extension sans fin des cas de déchéance de la nationalité, comme l’avait tenté Nicolas Sarkozy en 2010 à l’occasion de son discours de Grenoble. Notons qu’à l’époque François Hollande s’était élevé contre la proposition de Nicolas Sarkozy.

Symboliquement catastrophique à double titre. En interne puisque seule une partie de la population est de facto visée, alors même que la pression que subissent les populations d’origine immigrée de culture musulmane a été considérablement renforcée par les attentats de cette année 2015. Mais également en externe puisque la France, en prenant une mesure qui vise à pouvoir expulser une personne condamnée pour terrorisme à l’issue de sa peine de prison, signifie à des pays tels que le Mali ou la Tunisie, déjà durement touchés par le terrorisme, que des personnes jugées trop dangereuses pour rester en France seront renvoyées vers ces pays. On a connu des solidarités plus actives entre pays confrontés à un fléau commun…

On notera également que l’inscription dans la Constitution de cette mesure l’érige au rang d’une priorité nationale, renforçant par la même la charge symbolique d’une mesure présentée comme une affaire tellement grande qu’elle devrait nous amener à modifier le texte fondamental de notre République.

Cette mesure est d’autant plus inquiétante que la réponse aux attaques djihadistes dont nous avons été victimes cette année est, au-delà de l’adoption de mesures de sécurité, l’affirmation d’un renforcement des dynamiques de cohésion sociale, cohésion que les terroristes et leurs commanditaires cherchaient précisément à atteindre.

SOS Racisme appelle d’ores et déjà les parlementaires à faire connaître leur désapprobation face à cette mesure venue de rives politiques très éloignées de l’idéal républicain et réfléchit à toute action susceptible d’enrayer cette mécanique de la communication autour d’une fermeté d’apparence.