A propos du bikinigate

Lorsque le journal L’union de Reims relata ce samedi un lynchage envers une jeune fille portant un maillot de bain au Parc Léo Lagrange de Reims, en évoquant comme un fait établi l’aspect moral de l’agression, de jeunes militantes rémoises de SOS Racisme ont décidé d’organiser un rassemblement dès le lendemain en forme de pied de nez à ce qui semblait relever d’une logique contraire à la liberté de choix des femmes.

Sans jamais évoquer le potentiel aspect religieux de l’affaire – puisque cela relevait clairement d‘une interprétation de l’auteur de l’article -, l’association s’est donc trouvée entraînée dans une très mauvaise séquence qui s’explique par trois éléments :

– La reprise par maints médias de cette histoire de lynchage, qui n’est pas sans rappeler l’affaire du RER D de 2004 (je me souviens à cet égard d’une station de Radio France qui avait appelé maints responsables associatifs en assurant qu’une vérification auprès du ministère de l’Intérieur leur permettait d’affirmer la réalité de cette affaire pour, quelques jours plus tard, interroger les mêmes responsables sur l’ « emballement des associations et des politiques »).

– L’exploitation immédiate de cette histoire par l’extrême droite qui ne défendait évidemment pas là une quelconque liberté de choix mais, comme à son habitude, une stigmatisation immédiate et massive des musulmans, alors même que les très imprudents articles de presse ne citaient jamais une quelconque confession.

– Bien évidemment, le fait que l’aspect moral ait fini par être écarté, malgré ce qui était écrit telle une certitude dans l’article de l’Union de Reims.

La précipitation est mauvaise conseillère et un appel au rassemblement, qui aurait pu avoir sa légitimité sur des faits solidement étayés, n’aurait pas dû être prévu pour le lendemain, quelles qu’aient pu être la frénésie des réseaux sociaux et l’emballement médiatique. Par ailleurs, une fois que les autorités judiciaires ont démenti tout aspect moral dans cette bagarre, le rassemblement prévu aurait dû être annulé.

Sans que cela remette en cause les motivations des militantes rémoises accusées par certains habitués de ces diatribes de vouloir s’en prendre aux musulmans (je répugne à détailler les origines et les confessions des militantes rémoises afin de montrer l’inanité d’une telle pensée), cette séquence était une erreur à laquelle nous aurions dû avoir, au niveau national, la réactivité suffisante afin d’y mettre un terme.

Par ailleurs, car cette affaire devient malheureusement typique de certains comportements, je me permets de clore cette mise au point par trois remarques :

– Première remarque : pour répondre à l’étonnement de certains face au lancement par SOS Racisme d’une mobilisation davantage féministe qu’antiraciste, je rappelle que l’association mène les combats qu’elle entend et qui, bien souvent, débordent le champ de l’antiracisme pour s’étendre à celui de la défense de la liberté et de l’égalité (combats féministes, soutien aux révolutions dans le monde arabe, lutte contre l’homophobie, défense de la démocratie…).

– Deuxième remarque pour certains politiques qui sous-entendent contre toute évidence que SOS Racisme s’en prendrait aux musulmans : le temps des colonies est fini et il leur est loisible de laisser leurs éventuels mandats à des musulmans, ce qui serait la plus forte preuve d’amour et contribuerait à remédier à la dramatique sous-représentation de plusieurs catégories de la population dans nos assemblées.

– Troisième remarque à l’adresse de nombre de médias : après avoir abondamment relayé les informations de l’Union de Reims toute la soirée du samedi et une bonne partie de la journée de dimanche, certains médias ont eu la délicatesse de mettre une fois de plus la frénésie au débit des politiques, des associatifs et des réseaux sociaux. Où l’on apprend qu’une profusion d’articles qui ont entraîné un rassemblement trop rapidement décidé est due à ce rassemblement. Où l’on apprend donc que la conséquence serait la cause de la cause…

Dominique Sopo, Président de SOS Racisme

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